prb-hero

Intérêt porté à la santé reproductive des adolescents à la Jamaïque

(Mai 2003) Les succès sont réels, mais ils semblent petits en comparaison du travail : atteindre le demi-million d’adolescents1 qui forme les quelque 20 % de la population de 2,5 millions de cette île et leur permettre d’adopter des styles de vie sexuelle plus sains.

La sexualité précoce, associée à un manque d’informations pertinentes, de services et de connaissances pour éviter des situations à risque, expose les adolescents (le plus souvent répertoriés comme les jeunes de 10 à 19 ans) au risque de grossesses non planifiées, d’infections sexuellement transmissibles (IST), y compris le VIH, et autres menaces à l’égard de leur santé sexuelle et reproductive.

Au cours de la dernière décennie, plusieurs études effectuées à la Jamaïque ont repéré un certain nombre de facteurs de risque pour les jeunes, notamment la multiplicité des partenaires sexuels, la violence sexuelle et l’absence d’informations sur la santé reproductive2.

Surmonter certains problèmes difficiles

Les recherches révèlent que les adolescents du pays entament leur activité sexuelle à un âge précoce. D’après des études réalisées depuis le milieu des années 1990, l’âge moyen des adolescents à leur premier acte sexuel se situe aux alentours de 13 ans pour les garçons et 15 ans pour les filles3. Quarante pour cent des femmes jamaïcaines ont été enceintes au moins une fois avant l’âge de 20 ans et plus de 80 % des grossesses adolescentes ne sont pas planifiées4.

L’activité sexuelle précoce accroît aussi les risques de contracter le VIH et autres IST. Le rapport 2002 sur la situation du SIDA à la Jamaïque, publié par le Ministère de la Santé, signale que près d’un cas de SIDA sur 60, pendant la période de 1982 à la fin de 2001, concernait des jeunes de 10 à 19 ans. Pendant 2001, 69 nouveaux cas concernaient la tranche d’âge de 15 à 24 ans, soit 7,4 % du total. Aussi, les adolescentes âgées de 10 à 14 ans et de 15 à 19 ans étaient deux et trois fois plus exposées au risque de contracter le VIH, respectivement, que les garçons des mêmes tranches d’âge5.

“Ceci résulte de facteurs sociaux, les jeunes filles ayant des rapports sexuels avec des hommes plus âgés infectés au VIH”, souligne le rapport.

Le recours irrégulier au préservatif aggrave les risques pour les garçons. L’Enquête sur le recours des adolescents au préservatif effectuée en l’an 2001 révèle que 41 % des garçons de 15 à 19 ans sexuellement actifs sont plus exposés au risque d’infection par les IST, parce qu’ils ont eu plus d’un partenaire au cours de l’année précédente et n’ont pas employé régulièrement de préservatif. L’enquête constate également que, si 86 % environ des adolescents étaient au courant du VIH/SIDA, 11 % seulement des jeunes hommes de 15 à 19 ans se sentaient personnellement concernés.

Toujours d’après l’enquête, qui constitue l’étude la plus récente à l’échelle insulaire sur l’utilisation de la contraception chez les adolescents sexuellement actifs, 74 % des jeunes de 15 à 19 ans et près de 10 % des jeunes de 10 à 14 ans ont signalé qu’ils étaient sexuellement actifs. Le recours à une méthode contraceptive était relativement faible chez les garçons de 15 à 19 ans lors du premier acte sexuel (31 % en comparaison de 59 % pour les filles), mais il était passé à 68 % avec le dernier acte sexuel pris en compte dans l’étude.

Si les adolescents plus âgés avaient généralement plus de connaissances sur les méthodes de prévention des IST, ce n’était pas le cas des adolescents plus jeunes. Quelque 88 % des adolescents de 15 à 19 ans ont cité le préservatif comme moyen de prévention d’une infection, contre 57 % pour les jeunes de 10 à 14 ans.

Pour aborder les problèmes de la santé reproductive chez les jeunes, les organisations gouvernementales et non gouvernementales (ONG) ont diffusé des messages positifs, formé des prestataires de soins, des pairs et autres piliers importants de la communauté et ont aussi pris des mesures pour améliorer le contexte politique.

Améliorer le contexte politique

La décentralisation du système de santé de la Jamaïque a récemment limité le rôle de l’Office national de la planification familiale (NFPB), l’organisme public chargé d’élaborer, de promouvoir et de mettre en œuvre des programmes de planning familial et d’activités démographiques dans l’ensemble du pays. Néanmoins, le NFPB s’approvisionne en contraceptifs et les distribue aux services de santé publique, articule la politique et la formation avec les autres organismes publics et fournit des informations, principalement à travers son service quotidien de conseil par téléphone et de visite sans rendez-vous, son téléphone rouge automatisé, ainsi qu’à travers quelques activités limitées de vulgarisation sur demande.

“Un de nos principaux objectifs stratégiques est de faciliter l’accès des adolescents aux informations et aux services de santé reproductive”, explique Olivia McDonald, directrice exécutive du NFPB. “Nous sommes plus ou moins responsables de l’initiative pilote qui cherche à mettre en place une politique d’accès des jeunes de moins de 16 ans à la contraception”.

L’âge légal de consentement, à la Jamaïque, est de 16 ans, rendant illégal la prestation de services de santé contraceptive aux adolescents qui n’ont pas atteint cet âge, même quand il est admis qu’ils sont sexuellement actifs. En outre, bon nombre de prestataires se refusent à fournir des services aux adolescentes qui ne sont pas enceintes et qui n’ont pas atteint 18 ans, l’âge légal de la majorité.

Une nouvelle mesure politique soumise à l’examen et à l’approbation du Parlement propose des directives qui permettraient aux prestataires de conseiller les filles de moins de 16 ans sexuellement actives, de leur prescrire des contraceptifs médicaux s’il n’est pas possible de les convaincre de s’abstenir de rapports ou d’obtenir l’intervention d’un adulte proche, ou à celles qui sont jugées suffisamment mûres pour comprendre les implications de l’activité sexuelle. La contraception chirurgicale, comme Norplant ou la stérilisation, nécessitera néanmoins le consentement d’un parent ou d’un tuteur.

Les directives Accès aux méthodes de contraception recommandent aussi que les infirmières, les médecins et autres prestataires qui ne sont pas l’aise quand il s’agit de prendre de telles décisions – pour des prétextes d’ordre soit moral soit juridique – transmettent ces cas à d’autres agents de santé.

Un projet de politique nationale à l’intention de la jeunesse, élaboré par le Centre national pour le développement de la jeunesse, recoupe les directives Accès aux méthodes de contraception mais n’aborde pas la santé reproductive des adolescents. L’élaboration d’une politique sur la santé reproductive des adolescents a été examinée mais, à ce stade, elle n’a pas été poursuivie.

Améliorer les services à l’intention des jeunes

Les initiatives du gouvernement destinées à améliorer la santé reproductive des jeunes sont déployées par Youth.now, projet national sur la santé reproductive des adolescents qui est soutenu par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). En cours d’exécution depuis le début de l’an 2000, Youth.now collabore avec des organisations publiques et non gouvernementales, notamment le Ministère de la Santé, le NFPB et le Centre national pour le développement de la jeunesse.

Le projet opère dans neuf des 14 paroisses de la Jamaïque – les principales divisions administratives de l’île. Le projet expérimente dans divers sites des approches qui peuvent encourager les adolescents à avoir recours aux centres de santé du secteur public pour obtenir des conseils ainsi que pour répondre à leurs besoins cliniques, notamment la contraception et le traitement des IST.

D’après Pauline Russell-Brown, chef de mission à Youth.now, l’environnement est prêt à accepter des changements. “Les individus voient les avantages de permettre aux jeunes de mener une vie sexuelle saine … et nous enregistrons des succès ; les communautés des paroisses où nous travaillons manifestent leur enthousiasme”.

Youth.now est en train d’expérimenter et d’évaluer cinq approches pour fournir des services de santé reproductive adaptés aux besoins des jeunes, par le biais d’ONG6 ou d’établissements appartenant au secteur public. Ces établissements ont été progressivement introduits au cours des deux dernières années et ils adhèrent aux approches suivantes :

  • Un modèle de centre de bonne santé, offrant des installations d’exercice physique pour attirer les jeunes gens ainsi que des services de planning familial et autres ;
  • Un centre de santé publique autonome qui conduit régulièrement des activités de vulgarisation dans les écoles et les communautés avoisinantes ;
  • Une opération conjointe avec l’ONG Children First, afin de fournir des services de santé reproductive aux jeunes, assortis d’activités de formation, de soutien communautaire et de tutorat ;
  • Un programme mené en conjonction avec l’YMCA de la capitale de Kingston, pour fournir à plus de 100 garçons de la rue des conseils et une éducation en santé reproductive, ainsi que des préservatifs – dans le cadre d’un plan plus vaste visant à soutenir les activités d’éducation parentale et d’animation par des pairs; et
  • Des programmes mettant en rapport les écoles et les centres de santé dans deux localités de la paroisse de Sainte Elizabeth, dans le sud-ouest, et dans un autre endroit par le biais d’une ONG partenaire, à Kingston. Le conseiller, l’infirmière scolaire ou l’éducateur pair discute en large des services disponibles aux centres de santé ainsi que des questions liées à la santé reproductive.

Depuis longtemps, les jeunes évitent les centres de santé qui dispensent des services de santé reproductive, malgré leur emplacement généralement commode. Une étude effectuée récemment énumère un certain nombre de problèmes que les jeunes ont signalés au niveau de ces centres7. Ils ont signalé l’absence de propreté, l’absence d’intimité, en particulier pour l’obtention de conseil sur les IST, et la froideur du personnel à l’égard des jeunes, notamment des jeunes sexuellement actifs. Aussi, le système d’accueil des clients, en leur remettant un numéro dans l’ordre d’arrivée, au lieu de donner des rendez-vous, leur déplaisait. Les centres de santé ont reçu la note d’évaluation la plus basse, 1, sur une échelle allant de 1 à 10.

“Les médecins privés sont considérés comme ceux qui fournissent les meilleurs services mais leur accès est particulièrement difficile en raison de leur coût”, constatait l’enquête.

Certains adolescents ont l’impression que les prestataires de soins sont plus disposés à recevoir les garçons que les filles, traduisant par là une opinion sociale suivant laquelle les garçons et les jeunes hommes doivent “jeter leur gourme”, alors que les filles et les jeunes femmes doivent bien se comporter. D’après une étude réalisée en 1996, des prestataires de soins ont déclaré qu’ils donnaient des préservatifs aux garçons et conseillaient aux filles l’abstinence8. Depuis longtemps, ce n’est qu’une fois que les filles tombent enceintes que leur visite au centre de santé est considérée comme justifiée.

Les adolescents préfèrent les boutiques pour se procurer des préservatifs, pour des raisons de respect de l’intimité et de la confidentialité. D’après l’enquête, Adolescent Condom Survey (Recours des adolescents au préservatif), plus de 55 % des jeunes hommes achetaient des préservatifs dans une pharmacie ou une boutique alors que beaucoup d’autres les obtenaient de camarades.

“Ils ne se rendent pas aux dispensaires même s’ils peuvent les y obtenir gratuitement”, déclare Olivia McDonald, du NFPB. “Je suppose que dans les dispensaires, on ne les laisse pas simplement sur des tables à la disposition des jeunes et que ces derniers ne vont pas s’y rendre pour en demander”. Elle recommande de privilégier la commercialisation sociale des préservatifs et le ciblage des adolescents au niveau communautaire.

Pauline Russell-Brown, de Youth.now, affirme qu’un grand nombre d’adultes ne reconnaissent pas que rares sont les jeunes qui consultent simplement un prestataire pour un problème de santé reproductive. “Ils viennent pour une question sur un problème cutané ou autre. Mais un prestataire qualifié peut en réalité découvrir, dans la conversation – et il ne s’agit pas encore d’une séance de conseil – des questions qui sont liées à la santé reproductive”.

À l’heure actuelle, les mères adolescentes constituent le principal groupe d’adolescents qui utilisent les établissements du secteur public. La Women’s Centre Foundation (Fondation du centre féminin) de la Jamaïque, qui est financée par le gouvernement et divers organismes internationaux, est l’établissement où les adolescentes préfèrent se rendre pour obtenir des services de contraception après avoir accouché. La fondation aide les filles de moins de 18 ans à poursuivre leur éducation pendant la grossesse et à retourner à l’école le plus rapidement possible. Elle apporte d’autres formes de soutien aux filles, à leurs parents, à leurs bébés et aux “pères”.

Former les prestataires de services

La formation est un thème important des efforts visant à améliorer les soins de santé reproductive à l’intention des adolescents. Des groupements de base composés de quelque 20 individus, comprenant des prestataires cliniques, des parents et des personnes travaillant avec des groupes de parents, de pasteurs, de pairs et d’hommes, ont reçu une formation intensive axée principalement sur la compréhension de leur propre sexualité de manière à être en mesure de faire face aux questions soulevées par les adolescents. Par la suite, les personnes ayant reçu cette formation ont dispensé cette formation dans leurs propres communautés et beaucoup d’entre eux figuraient dans un registre de formateurs à la disposition des populations locales. Pauline Russell-Brown affirme que ce projet a, avec le temps, enregistré une “augmentation énorme” des demandes d’assistance en matière de formation.

Le personnel des centres de santé – médecins, infirmières, mais aussi gardiens et concierges qui contrôlent souvent l’accès aux soins – sont actuellement formés à instaurer un environnement qui répond aux besoins des jeunes, prenant en compte les problèmes mentionnés par ces derniers. Dans un effort pour protéger davantage l’intimité des jeunes, des assistants et auxiliaires dentaires, qui voient régulièrement les enfants scolarisés et à qui ces derniers font souvent part de confidences, sont aussi en train d’être formés à fournir des conseils en matière de santé reproductive.

Cette année, un second centre de services adaptés aux besoins des jeunes a été ouvert à Lucea, dans la paroisse occidentale de Hanover, où une bonne part du personnel de l’ensemble de la paroisse a déjà reçu une certaine formation. Le premier centre de ce type a été ouvert au début de 2001 dans le sud-est de la Jamaïque. Ailleurs, notamment dans les paroisses de Clarendon et de Sainte Elizabeth, des médecins-hygiénistes – les directeurs de la santé – ont demandé à Youth.now de mettre au point des activités de formation et d’orientation de base à l’intention de tous les types de personnel afin que tous les établissements des paroisses puissent offrir certains services aux jeunes.

Le projet est-il donc de certifier que les dispensaires répondent aux besoins des jeunes ? Comme le déclare Pauline Russell-Brown, Youth.now a collaboré avec des partenaires pour définir des normes et critères, qui pourraient servir d’instruments de gestion utiles, afin que les services répondent aux besoins des jeunes. Elle ajoute cependant que toute décision sur la certification des dispensaires incombe à la division Assurance de qualité du Ministère de la Santé. Sa préoccupation la plus importante est d’assurer l’amélioration des attitudes des prestataires de soins, au sein des communautés et à l’égard des jeunes.

Répondre aux besoins d’informations

Développer la communication avec les adolescents a été un autre thème important de la stratégie visant à aider ces derniers à adopter des modes de vie plus sains. Un partenaire de Youth.now, Dunlop Corbin Communications, a dirigé une campagne de médias qui a diffusé des messages distincts suivant les tranches d’âge. Le message s’adressant aux jeunes de 10 à 12 ans recommandait l’abstinence et, sinon, le préservatif. Le message s’adressant aux jeunes de 16 à 19 ans recommandait le préservatif. Et tous les messages, diffusés par une large gamme de médias, invitaient les jeunes à obtenir des conseils en utilisant le téléphone rouge “Friend’s Hotline”, mis en place par la Fondation de la Jamaïque pour les enfants.

Afin de vérifier l’efficacité de la campagne, une enquête de suivi a été menée en septembre 20029. L’enquête a constaté que 82 % des adolescents (et 90 % des adultes) se rappelaient la campagne, 49 % des adolescents affirmant que leurs opinions et leur comportement étaient affectés par ces messages. Le message d’abstinence résonnait le plus vivement chez les jeunes femmes et les jeunes de 10 à 12 ans. Le message sur les rapports sexuels sans risque par le recours au préservatif était le mieux reçu chez les jeunes hommes, en particulier ceux de la tranche plus âgée.

Il est difficile de savoir si les messages se traduiront par un changement des statistiques sur le comportement dans la prochaine série d’enquêtes. Seulement 15 % environ des filles de 15 à 19 ans et 5 % des garçons considèrent que l’abstinence est une méthode de contraception pertinente pour les jeunes. Le préservatif et la pilule sont les méthodes préférées10.

Néanmoins, Olivia McDonald souligne que l’information et la communication sont la clé à l’amélioration de la santé reproductive des adolescents. Elle veut que l’accent soit mis sur les parents, les prestataires et les élèves, qui pour la plupart bénéficient du programme du ministère, Education en matière de santé et de vie familiale. Les critiques prétendent que ce programme n’est pas suffisamment spécifique, qu’il s’adresse aux enfants trop tard (pour ce qui est de l’âge) et qu’il est enseigné par des instructeurs qui se sentent mal à l’aise de parler de ce thème.

Dans un autre effort pour fournir des informations aux adolescents, l’Office de la planification familiale a piloté un magazine de télévision d’une demi-heure, qui fait appel à des animateurs adolescents et s’accompagne de musique populaire. Environ 13 épisodes de “Teen Scene” (Scène de l’adolescence) ont été produits, avec des crédits du budget national. Toutefois, le budget de production restreint limite la diffusion du programme d’une demi-heure aux samedis après-midi pendant les mois d’été et les vacances de Noël. L’emploi du préservatif, la contraception en cas d’urgence et le comportement sexuel sont parmi les thèmes examinés dans ce programme.

D’autres documents éducatifs sont en cours d’élaboration, notamment une série de feuilles d’information que Youth.now est en train de préparer au service de l’éducation publique et de ses partisans dans les paroisses. Ces feuilles d’information condensent et simplifient une part du gros volume d’informations sur la santé reproductive rassemblées à la Jamaïque au cours des ans.

“Nous ne pourrons jamais combler le besoin en informations”, fait valoir Olivia McDonald.

Mesurer le succès

L’ampleur et la poursuite des recherches existantes sont impressionnantes. Néanmoins, des critiques sont exprimées. Marjan de Bruin, directrice suppléante du Caribbean Institute of Media & Communication (CARIMAC, Institut caribéen des médias et communications), à l’Université des Indes occidentales, met en doute que les recherches existantes traduisent les dimensions multiples du comportement sexuel à haut risque. De Bruin prétend que pour la majorité, les recherches se concentrent sur l’acte sexuel même et ne situent pas le comportement sexuel à risque dans son contexte culturel ni ne tiennent compte de ses significations sociales, économiques et politiques11.

Avec tant de questions et d’initiatives interdépendantes, un défi qu’il importe de relever est comment estimer les succès et les chances de succès, en particulier compte tenu des exigences concurrentes de l’économie depuis longtemps stagnante de la Jamaïque.

Malgré les défis futurs, Pauline Russell-Brown voit des points positifs. Elle est visiblement satisfaite des résultats des évaluations récentes du Balaclava Health Centre, situé en milieu rural dans la paroisse de Sainte Elizabeth, le premier centre adapté aux besoins des jeunes, dont l’activité a été entamée en mars 2001.

“Nous avons remarqué l’an dernier que le nombre d’adolescents ayant recours aux services de santé en général – pas simplement au planning familial – avait plus que doublé”, affirme-t-elle. “Quant au planning familial, il avait augmenté de près de 60 %. Et la première chose que le personnel a mentionnée était en effet son changement d’attitude.” Pour ce qui est des adolescents, ont affirmé certains membres du personnel, “nous les traitons différemment ; notre attitude est différente à leur égard. Et ils se sentent plus à l’aise de venir nous parler – quel que soit le sujet, pas simplement les questions de santé reproductive”, fait remarquer Pauline Russell-Brown.

Mais comment son projet évaluera-t-il son succès ?

“Pour nous, le succès voudra dire que nous commencerons à observer une baisse des nouveaux cas d’IST, car la propagation de ces infections fait peur. Ce que nous savons, c’est que le taux d’infection augmente le plus rapidement chez le groupe des adolescents … des questions que le projet ne peut pas résoudre à court terme.”

Elle ajoute : “Le succès, pour nous, sera de continuer à observer une augmentation du nombre de jeunes qui se rendent aux établissements de santé, quelle qu’en soit la raison, à observer dans l’Enquête de 2007 sur la prévalence contraceptive une augmentation du nombre de jeunes qui nous diront que leur première grossesse avait été planifiée”12.


Suzanne Francis Brown est rédactrice free-lance et consultant en communications, installée à Kingston, Jamaïque.


Références

  1. Statistical Institute of Jamaica, “Total population by age group”
    (STATIN 2001), consulté en ligne à www.statinja.com/stats.html, le 17 avril 2003. Il se dégage de ce rapport que la tranche des 10 à 14 ans comprenait 267.000 personnes et la tranche des 15 à 19 ans 243.700. (Note : D’après le Rapport démographique 2001, la tranche de population des 10 à 19 ans regroupait 497.909 personnes.)
  2. Hope Enterprises, Report of the national knowledge, attitudes, behaviour & practices survey year 2000 (Kingston, Jamaïque : Hope Enterprises, 2001). L’enquête indique que 54 % des interviewés du sexe masculin âgés de 15 à 19 ans avaient eu plusieurs partenaires dans les 12 mois précédents, de même que 16,5 % pour le groupe des filles. L’Enquête sur le recours des adolescents au préservatif, réalisée en 2001, constatait que 4,7 % jeunes hommes de 15 à 19 ans et 11,7 % des jeunes filles avaient fait l’objet de coercition lors de leur premier acte sexuel, et que 14,5 % des garçons et 28,5 % des filles avaient fait l’objet de coercition dans le passé. L’évaluation de la connaissance en santé sexuelle et reproductive, telle qu’elle est mesurée dans l’étude de référence (2001) réalisée par l’Unité de gestion Formation avancée et Recherche en matière de fécondité, dans la paroisse de Sainte Elizabeth, révélait que plus de 85 % des adolescents étaient au courant de la contraception, mais que peu y avaient eu recours lors de leur premier acte sexuel. Des études ont également examiné la présence parentale à domicile, la fréquentation de services religieux et de clubs, ainsi que les supports de développement, comme la sensibilisation individuelle, les aptitudes de communication et les systèmes à vocation sociale.
  3. Hope Enterprises, Report of the adolescent condom survey Jamaica, 2001 (Kingston, Jamaïque : Hope Enterprises, août 2001). L’étude constatait que la moyenne d’âge lors de la première expérience sexuelle des adolescents de 15 à 19 ans était de 13,2 ans chez les garçons et de 15,2 ans chez les filles. Il convient de prendre en compte l’environnement social – les garçons peuvent avoir l’impression qu’ils s’attirent l’estime sociale en signalant une activité sexuelle précoce et les filles une activité sexuelle plus tardive.
  4. Elizabeth Eggleston, Jean Jackson et Karen Hardee, “Sexual attitudes and behavior among young adolescents in Jamaica”, Family Planning Perspectives 25, no 2 (juin 1999), consulté en ligne à www.guttmacher.org/pubs/journals/2507899.html, le 17 avril 2003.
  5. Ministère jamaïcain de la Santé, Programme national de prévention et de contrôle du VIH/IST, Facts and figures : Jamaica AIDS report, 2001, consulté en ligne à www.jamaicanap.org/aids2002.htm, le 17 avril 2003.
  6. National Centre for Youth Development, Adolescent and youth-serving organisations in Jamaica : results from the youth programmatic inventory survey of the national centre for youth development (Kingston, Jamaïque : National Centre for Youth Development, 2002). Un inventaire de 141 organisations au service des jeunes constatait que les jeunes représentaient 24 % des clients, que les deux tiers des services à l’intention des jeunes s’adressaient aux jeunes femmes, pour la majorité au-dessus de 15 ans. L’enquête concluait que 23 % des organisations qui se concentraient sur les jeunes étaient des ONG.
  7. Cate Lane et al., Nine-tenths of reality (Kingston : Youth.now, mai 2002).
  8. Carmen McFarlane et al., The quality of Jamaica public sector and NGO family planning services : perspectives of providers and clients (Research Triangle Park, Caroline du Nord : Family Health International, 1996).
  9. Hope Enterprises, Youth.now advertising recall survey (Kingston : Hope Enterprises, septembre 2002).
  10. Hope Enterprises, A report of the adolescent condom survey Jamaica, 2001.
  11. Marjan de Bruin, Teenagers at risk (Kingston : Youth.now, 2002).
  12. C.P. McFarlane et al., Reproductive health survey 1997, Jamaica : final report (Atlanta : Centers for Disease Control and Prevention, 1999). Environ 13 % des mères de 15 à 19 ans qui ont accouché dans les cinq dernières années ont dit que la naissance avait été planifiée.