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La démographie d'Israël : une histoire unique

(Mars 2014) Les structures et tendances démographiques d’Israël sont uniques, un reflet de l’avenir complexe de la région qu’il soit politique, culturel ou religieux. Cet article s’attache à trois aspects de ce petit pays jeune : l’accroissement rapide de la population en seulement 65 ans, la fécondité élevée comparée à d’autres pays développés et le changement des structures démographiques des groupes ethniques et religieux du pays.

Une démographie particulière

En matière de croissance démographique, Israël représente un cas particulier parmi les pays développés. En 1948, Israël comptait seulement 806.000 habitants, mais le pays a connu un décuplement de sa population (chiffres de 2013), dû en grande partie à l’immigration de Juifs venant d’autres pays.1 Selon les données les plus récentes, la population d’Israël, estimée à 8,1 millions à la mi-2013, compte pour un peu plus de 3 pour cent de la population de la région Asie de l’Ouest (dénomination des Nations unies), et qui comprend la Turquie, l’Irak, l’Arabie Saoudite, le Yémen et la Syrie. L’Iran, situé dans la région Asie du Sud (toujours selon la classification des Nations unies), avait une population de 76,5 millions à la mi-2013.

Aujourd’hui, la fécondité est la cause principale de l’accroissement de la population en Israël – les femmes ont en moyenne 3 enfants, un taux élevé selon les standards européens. Il en résulte qu’Israël dispose pour le moment d’une population jeune, quoique vieillissante : 28 pour cent des Israéliens ont moins de 15 ans et 10 pour cent ont plus de 65 ans, les proportions européennes étant de 16 et 16 pour cent, respectivement. Avec un taux de fécondité relativement élevé et une structure par âge un peu plus jeune, ainsi qu’avec un solde migratoire légèrement positif, le taux d’accroissement démographique d’Israël est évalué à 1,9 pour cent par an.
Cependant, en ce qui concerne la plupart des autres indicateurs, Israël est semblable aux pays développés : le pays a de faibles taux de mortalité infantile, juvénile et maternelle et une espérance de vie à la naissance élevée (82 ans pour les deux sexes, ce qui est la meilleure espérance de vie de la région Asie de l’Ouest). Avec des indicateurs de santé comparables à ceux des dix pays les plus avancés dans le monde, la population d’Israël affiche des niveaux élevés d’éducation ainsi que des revenus en hausse.

À la différence de la plupart des pays en phase de transition démographique (le passage de niveaux élevés à des niveaux faibles de mortalité et de natalité), la mobilité socioéconomique des dernières années a été liée à un nombre relativement plus élevé d’enfants. Israël a une minorité importante de familles très religieuses avec des taux de fécondité qui sont au moins le double de la moyenne nationale. Il est peu vraisemblable que la fécondité d’Israël descende prochainement en-dessous du niveau de remplacement (2,1 enfants par femme), comme cela a été le cas dans la plupart des pays industrialisés.2 Il en résulte que la population d’Israël est censée atteindre 9,9 millions de personnes en 2025 et 13,9 millions en 2050. En 2050, la région Asie de l’Ouest aura une population de 405 millions (avec Israël représentant 3 pour cent de la population de cette région) et l’Iran devrait avoir un peu moins de 100 millions de personnes.

Israël a des identités culturelles, politiques et religieuses qui sont complexes. La diversité du paysage démographique au sein même d’Israël est évidente quand on regarde au-delà des seuls chiffres agrégés au niveau national. Début 2012, la population totale d’Israël (sans les travailleurs étrangers et les réfugiés) était de 7,8 millions. De ce total, 5,9 millions (75 pour cent) étaient Juifs ; 325.000 (4 pour cent) étaient les membres non-Juifs des familles de citoyens israéliens Juifs qui, d’après la Loi du retour de 1950, ont le droit de vivre en Israël et d’acquérir la nationalité israélienne ; et 1,6 million étaient des Arabes (21 pour cent) (voir le tableau). Une large majorité de la population arabe était musulmane, avec des minorités de Chrétiens, de Druzes et d’autres groupes religieux. Les travailleurs étrangers et les réfugiés étaient estimés à 300.000 (4 pour cent de la population totale de 8,1 millions).3 Le tableau montre la complexité de la situation démographique d’Israël. Il montre la population juive « au sens large » et la population arabe de l’Autorité palestinienne estimée à 3,8 millions, dont 2,2 millions sont en Cisjordanie (West Bank) et 1,6 millions à Gaza.4


Population d’Israël et des Territoires palestiniens, 2012

Région Juifs et membres des familles Arabes Travailleurs étrangers et réfugiés Total
Total 6.226.000 5.449.000 300.000 11.975.000
Israël 6.226.000 1.611.000 300.000 8.137.000
  Frontières d’avant 1967 5.672.000 1.298.000 300.000 7.270.000
  Jérusalem-Est 207.000 290.000 497.000
  Plateau du Golan 21.000 23.000 44,000
  Cisjordanie (West Bank) 326.000 326.000
Autorité
palestinienne
3.838.000 3.838.000
  Cisjordanie (West Bank) 2.238.000 2.238.000
  Bande de Gaza 1.600.000 1.600.000

Notes : Tous les chiffres sont arrondis. La population d’Israël comprend tous les résidents de Jérusalem-Est et du plateau du Golan, tout comme la population juive mais non arabe des Territoires palestiniens (Cisjordanie et bande de Gaza). La dénomination « Juifs et membres des familles » englobe les personnes enregistrées comme juives dans le registre de population d’Israël, aussi définies comme véritablement juives, plus les 325.000 non-Juifs qui ont immigré en vertu de la Loi du retour, et leurs descendants. La population de l’Autorité palestinienne représentée ici ne comprend pas Jérusalem-Est, déjà inclus dans la population israélienne. Les « Réfugiés » ont été alloués au territoire d’Israël d’avant 1967, c’est-à-dire les frontières existant avant la guerre des Six Jours (5-10 juin 1967).

Source : Chiffres ajustés d’après Sergio DellaPergola, « The Great Israeli Predicament: Why Demography Should Be Taken Seriously », Présentation au Woodrow Wilson Center for International Scholars, 14 février 2013.


Croissance de la population : Différences en cours entre les populations juives et arabes

Un défi pour le pays consiste dans les taux différentiels d’accroissement démographique qui se développent entre les populations juives et arabes. Parmi la population juive d’Israël, les Haredim israéliens (un groupe très traditionnel de Juifs orthodoxes) constituent 10 pour cent de la population juive totale d’Israël et ils augmentent à un rythme particulièrement rapide, résultat de leurs taux élevés de fécondité. Ils ont à peu près 7 naissances par femme, en comparaison de 2,3 naissances pour les femmes juives laïques et modérément religieuses. Ces taux élevés de fécondité ont pour conséquence une très jeune population Haredi (les Haredim représentent 20 pour cent de la population juive de moins de 20 ans).5 Il en résulte que cette jeune population Haredi (avec un âge médian de 16 ans) garantit la croissance rapide et continue d’un groupe qui pourrait représenter 30 pour cent de la population juive en l’an 2050.6
La population musulmane d’Israël a aussi augmenté, passant de 0,6 million en 1990 à 1,6 millions actuellement et on prévoit qu’elle continuera d’augmenter pour atteindre à peu près 2,1 millions en 2030, bien que la fécondité parmi les Musulmans puisse décliner.7 Néanmoins, on prévoit que la part de la population musulmane dans la population totale d’Israël va augmenter. En 2011, les Musulmanes donnant naissance pour la première fois avaient l’âge moyen le plus jeune, juste un peu au-dessus de 23 ans. L’âge moyen à la première naissance pour la population globale était juste au-dessus de 27 ans. Les femmes musulmanes commençant à avoir des enfants à un plus jeune âge, elles ont aussi le taux de fécondité le plus élevé comparé aux Juives, aux Chrétiennes non arabes, aux Druzes et aux femmes classées comme n’appartenant pas à une religion. Le taux total de fécondité pour les Musulmans était de 3,5 en 2011, comparé à 3,0 pour les Juifs, 2,2 pour les Chrétiens, 2,3 pour les Druzes et 1,8 pour les personnes classées sans appartenance religieuse.8

Les structures et tendances démographiques de la région sont importantes du fait qu’Israël et ses voisins tentent de déterminer leur avenir ; elles ajouteront sans aucun doute de la complexité aux dynamiques en cours.


Sergio DellaPergola est démographe à l’Université Hébraïque de Jérusalem. John F. May est démographe et chercheur invité au PRB. Allyson C. Lynch est stagiaire au PRB.


Références

  1. Israel Central Bureau of Statistics, “Israel in Statistics 1948-2007,” Statistilite 93 (Jérusalem: Central Bureau of Statistics, 1993); et Israel Central Bureau of Statistics, “Population and Demography,” consulté sur www1.cbs.gov.il, le 12 septembre 2013. Selon DellaPergola, au sein de la Diaspora juive plus large, la population juive mondiale était estimée à 13,7 millions au début de 2012—5,9 millions en Israël, 5,4 millions aux États-Unis et les 2,4 millions restant disséminés dans les nombreux pays de la Diaspora, surtout en Europe. Sergio DellaPergola, Jewish Demographic Policies: Population Trends and Options in Israel and in the Diaspora (Jerusalem: The Jewish People Policy Institute, 2011); Sergio DellaPergola, “How Many Jews in the United States? The Demographic Perspective,” Contemporary Jewry 33, nos. 1-2 (2013): 15-42; et Sergio DellaPergola, “World Jewish Population, 2012,” in American Jewish Year Book 2012, ed. A. Dashefsky et I. Sheskin (Dordrecht: Springer, 2013): 213-83.
  2. Sergio DellaPergola, Fertility Prospects in Israel: Ever Below Replacement Level? (New York: United Nations Department of Economic and Social Affairs, 2011).
  3. Sergio DellaPergola, “The Great Israeli Predicament: Why Demography Should Be Taken Seriously,” Présentation au Woodrow Wilson Center for International Scholars, le 14 février 2013.
  4. Les estimations de l’Autorité palestinienne sont plus élevées, surtout pour la Cisjordanie; Palestinian Central Bureau of Statistics, “Population Indicators,” consulté sur www.pcbs.gov.ps/site/881/default.aspx#Population, le 12 septembre 2013.
  5. Aaron David Miller, “Demographic Destiny,” Foreign Policy, 13 mars 2013, consulté sur www.foreignpolicy.com/articles/2013/03/13/israels_demographic_destiny_palestine, le 26 juin 2013.
  6. DellaPergola, “The Great Israeli Predicament: Why Demography Should Be Taken Seriously.”
  7. Pew Forum on Religion & Public Life, The Future of the Global Muslim Population, Projections for 2010-2030 (Washington, DC: Pew Research Center’s Forum on Religion and Public Life, 2011), consulté sur www.pewforum.org/files/2011/01/FutureGlobalMuslimPopulation-WebPDF-Feb10.pdf, le 9 janvier 2014.
  8. Israel Central Bureau of Statistics, “Population and Demography.”