Aïssata Fall
Africa Director, Regional Representative for West and Central Africa
May 13, 2025
Africa Director, Regional Representative for West and Central Africa
Ce billet est le deuxième de notre série sur la place des jeunes dans le développement local. Lisez l’introduction de la série ici et le premier billet ici.
Le vocabulaire que nous utilisons dans le secteur de l’aide au développement joue un rôle fondamental dans la conduite du changement, non seulement en influençant les messages, mais aussi les idées, les perceptions et les mentalités. Comme je l’ai évoqué dans la première partie de mon blog, nous devons aller au-delà des notions de communautés et d’acteurs locaux dans notre approche de la localisation et du transfert de pouvoir — et cette influence du langage en est une raison essentielle.
En choisissant certains termes, les acteurs de l’aide au développement influencent la manière dont les idées sont comprises, adoptées et mises en œuvre. Ce rôle du vocabulaire dépasse les mots eux-mêmes: il contribue à orienter les actions, les priorités et les comportements à l’échelle collective.
Ce faisant, nous créons des espaces de dialogue politique qui s’adressent directement à chaque personne en tant que détenteur de droits et partie prenante des politiques publiques. Nous concevons des outils accessibles et adaptés aux contextes de vie de chacun afin d’aider les citoyens à comprendre les informations qui influencent les décisions qui les concernent, et à être reconnus comme des participants actifs de la société, plutôt que comme membres d’une “communauté” homogène.
En reconnaissant le lien direct entre les individus et les politiques publiques, PRB renforce la pertinence des données, montrant que chaque citoyen a un intérêt direct dans des décisions fondées sur des faits. Cette connexion est au cœur de mon engagement dans le travail que je mène au sein de l’organisation.
Nous aidons les décideurs à adopter une perspective centrée sur les personnes, en mettant l’accent sur les individus plutôt que seulement sur des groupes ou des communautés. Nous promouvons un accès équitable à l’information, affirmant que chacun a le droit de connaître et de comprendre les données qui sous-tendent les politiques publiques. Cette approche favorise un engagement plus large et mieux informé dans les politiques basées sur des données probantes, pour un impact significatif et durable. L’engagement de PRB dans cette approche est un facteur clé du succès de notre partenariat avec le Consortium pour la recherche en économie générationnelle (CREG) en Afrique de l’Ouest.
Lorsque nous, professionnels du secteur de l’aide, utilisons les termes acteurs locaux, membres de la communauté ou communautés au lieu de citoyens, dans le contexte de la localisation et du transfert de pouvoir, nous risquons de compromettre les profondes transformations que ces concepts cherchent à provoquer. Ces termes collectifs regroupent des individus sous une identité commune, ce qui peut diluer leur responsabilité et leur autonomie en tant qu’acteurs politiques, et les positionner comme des bénéficiaires passifs de décisions prises au nom du groupe. C’est précisément ce que la localisation et le transfert de pouvoir cherchent à éviter !
Le mot communauté est rarement utilisé dans le langage de la participation démocratique ou politique, en particulier en Afrique francophone, où le terme citoyen est essentiel pour désigner les droits politiques individuels et la participation démocratique. En excluant le terme citoyen, les initiatives de localisation et de transfert de pouvoir risquent de renforcer l’idée que le développement est une démarche extérieure, déconnectée des droits démocratiques des individus et des dynamiques politiques nationales.
Cette reconnaissance ancre la prise de décision au niveau local et favorise une appropriation réelle des politiques publiques.
En conservant le vocabulaire programmatique des communautés et des acteurs locaux, les organisations d’aide perpétuent une approche interventionniste qui leur permet d’ignorer délibérément les cadres et dynamiques politiques propres aux pays où elles opèrent. Cela contribue à une vision fragmentée du développement, dans laquelle trop peu d’organisations cherchent à comprendre les interactions politiques et programmatiques qui façonnent réellement le changement.
Combien d’acteurs de l’aide internationale prennent le temps de comprendre la complexité des rapports de pouvoir, des politiques nationales et des structures locales de prise de décision qui conditionnent le succès d’un projet ? En omettant cette compréhension essentielle, les organisations risquent de proposer des solutions isolées, déconnectées des réalités politiques et sociales des populations qu’elles servent, et de passer à côté des transformations profondes qu’elles cherchent à encourager.
Notre rôle à PRB est d’aider les autres à raconter leur histoire et à utiliser les données pour agir de manière autonome, de mettre la recherche et les connaissances au service des initiatives locales, et de préparer un avenir où les décisions seront fondées sur des informations contextualisées et pertinentes pour les besoins des populations. En définitive, cette approche reflète mon engagement, et celui de PRB, à faire en sorte que les données que nous produisons et diffusons aient un impact significatif et durable sur les politiques publiques.
En intégrant les principes de la localisation dans son travail, PRB vise à soutenir les citoyens, les organisations locales et les décideurs locaux dans leurs efforts pour renforcer leur autonomie et contribuer directement à un développement plus équitable et plus durable.
Pour en savoir plus sur ce sujet, consultez les ressources suivantes :