Aïssata Fall
Africa Director, Regional Representative for West and Central Africa
            October 31, 2025
Africa Director, Regional Representative for West and Central Africa
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Le 17 octobre 2025 marque une étape importante pour les chercheurs, analystes et conseillers en politiques publiques de PRB et du Consortium Régional pour la Recherche en Économie Générationnelle (CREG). Ce jour-là, l’Assemblée nationale du Bénin a clairement exprimé sa volonté de mieux comprendre les résultats de la recherche économique et démographique afin d’éclairer la décision publique.
“Aujourd’hui marque le début de l’engagement de l’Assemblée nationale du Bénin sur la question du travail domestique de soin non rémunéré — et, plus largement, sur l’économie du soin”, a déclaré l’honorable Abdoulaye Gounou, président de la Commission des Relations extérieures de l’Assemblée nationale. “C’est un véritable point de départ, le moment où l’Assemblée commence à s’approprier ce sujet essentiel.”
L’événement, organisé conjointement par le CREG et PRB, a été tenu en réponse directe à une demande du Parlement et rendu possible grâce à l’engagement de l’honorable Gounou. Pour PRB, il représentait bien plus qu’un atelier — il symbolisait la reconnaissance, par la sphère politique, de la valeur du lien entre recherche et action publique. C’était aussi un moment marquant dans notre effort constant pour rendre les données utiles, compréhensibles et exploitables par les décideurs politiques.
Ce qui rend cette rencontre remarquable, c’est qu’elle n’a pas émergé d’un projet technique, mais de la sphère politique elle-même. À la suite d’une série de consultations et de séances de travail, les parlementaires ont formulé une demande claire : comprendre les résultats de recherche qui leur avaient été présentés — non pas comme des statistiques isolées, mais dans leur contexte économique et social plus large.
Cette initiative est le fruit d’un dialogue soutenu et réfléchi entre chercheurs, experts techniques et décideurs politiques. Depuis plusieurs années, les équipes du CREG et de PRB travaillent en étroite collaboration avec les ministères, les parlementaires et les organisations de la société civile pour traduire les données démographiques et économiques en messages pertinents pour les politiques publiques. Soutenus par le Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI) et la Fondation Hewlett, ces échanges ont permis de construire un langage commun et d’inspirer le Parlement à s’engager dans un dialogue national.
    
   
  
 
De haut en bas (de gauche à droite) (1) Aissata Fall du PRB ; (2) Latif Dramani du CREG ; (3) L’honorable Gounou ; (4) L’honorable Mahougnon Kakpo ; (5) Des membres du parlement ; (6) L’honorable Kakpo avec des parlementaires ; (7) Le nouveau manuel du PRB sur l’économie des soins ; (8) Une bannière lors de l’atelier.
La session du 17 octobre n’était donc pas un simple événement de dissémination d’information — c’était une réponse à une demande politique directe. Pour la première fois, des recherches menées par des institutions africaines — sur les comptes de transferts nationaux, les dynamiques intergénérationnelles et le travail de soin non rémunéré — ont occupé le devant de la scène dans un débat parlementaire. Cet événement couronnait également un travail de longue haleine. Depuis près d’une décennie, PRB et le CREG partagent un même objectif : rendre les résultats de recherche compréhensibles, pertinents et exploitables pour l’élaboration des politiques.
À Cotonou, cette vision a pris forme concrète avec la présentation d’un nouveau livret d’orientation politique intitulé Comprendre l’économie et la population. Soutenu financièrement et techniquement par PRB, ce livret est le premier du genre. Il traduit des concepts complexes — tels que la transition démographique, les transferts intergénérationnels et l’économie du soin — en un langage clair et accessible.
Le livret incarne la vision partagée de PRB et du CREG : favoriser un dialogue politique éclairé par les données. Il repose sur la conviction que les décideurs politiques ne peuvent véritablement s’approprier la recherche que s’ils disposent d’outils adaptés à leur contexte et à leur rythme décisionnel. L’objectif n’est pas de transformer les parlementaires en experts techniques, mais de leur fournir des repères solides pour lire, questionner et utiliser les données dans leurs délibérations.
Cet investissement illustre le rôle que PRB entend jouer : soutenir les espaces de dialogue politique tout en équipant ceux qui les animent. Car comprendre les données est la première condition pour les transformer en actions concrètes.
La rencontre a également marqué un tournant symbolique et politique : le travail de soin non rémunéré est passé de la sphère privée à celle du débat national. Les discussions ont permis de dépasser la perception du soin comme un devoir familial ou une question de femmes, pour le reconnaître comme un enjeu économique et budgétaire majeur, au même titre que la croissance, l’emploi ou la santé publique.
Reconnaître la valeur du soin, c’est admettre que sans le travail invisible des femmes et des familles, aucune économie ne peut fonctionner durablement. Le temps consacré à cuisiner, nettoyer, enseigner et prendre soin — sans rémunération — soutient directement la productivité, l’éducation et la stabilité sociale.
En ce sens, le débat parlementaire du 17 octobre a donné toute sa portée politique à l’économie du soin. Il a montré que cette question va bien au-delà de l’égalité de genre : elle touche à la vision même du développement. Le soin est un pilier de la société, un moteur de justice sociale et un levier de croissance inclusive.
“À mesure que notre société évolue, nous devons prendre en compte les préoccupations qui émergent avec cette transformation”, a déclaré l’honorable Edmonde Tagnonnanon Fonton. “C’est le cas du travail domestique non rémunéré et de l’économie du soin.”
L’expérience du Bénin offre un modèle pour l’Afrique de l’Ouest francophone. Elle prouve qu’un dialogue politique fondé sur les données peut émerger lorsque chercheurs et décideurs collaborent dans un climat de confiance. Cette approche — engageant les institutions nationales, la société civile et le Parlement — peut inspirer d’autres pays confrontés à des défis similaires. Elle montre aussi que la conversation doit aller au-delà des ministères techniques pour inclure ceux qui représentent directement les citoyens.
En travaillant avec les assemblées nationales, le CREG et PRB contribuent à rapprocher la science et la démocratie. Les parlementaires deviennent des acteurs essentiels de la transformation de l’analyse en politiques publiques capables d’améliorer la vie quotidienne et de renforcer la cohésion sociale.
Au fond, le débat de Cotonou a soulevé une question simple mais profonde : qu’est-ce qui tient nos sociétés ensemble ? Est-ce ce que nous produisons, ou la manière dont nous prenons soin les uns des autres ? Regarder le développement à travers le prisme du soin, c’est comprendre que la croissance économique, l’égalité et la solidarité ne sont pas des objectifs distincts — ce sont les dimensions interdépendantes d’une même vision de société. Reconnaître, mesurer et organiser le soin, c’est valoriser ce qui soutient la vie quotidienne et construire les bases d’un avenir plus équitable.
Au Bénin, cette prise de conscience a franchi une étape décisive : le soin est désormais reconnu comme un enjeu politique et économique national. Et ce progrès — né du dialogue entre chercheurs, décideurs et citoyens — donne tout son sens à une idée simple mais puissante : comprendre l’économie du soin, c’est comprendre ce qui unit nos sociétés — et ce qui peut les transformer.