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Évolution démographiques des pays musulmans

(Mai 2013) Les Musulmans représentent environ un cinquième de la population mondiale—soit 1,6 milliard de personnes. Ils forment la majorité de la population dans près de 50 pays et territoires concentrés en Asie et en Afrique (voir Tableau 1).1 Les Musulmans sont très divers, par la race, la langue et le degré de leur conservatisme religieux. Certains Musulmans vivent dans des pays où le gouvernement est influencé voire dominé par la loi islamique (tels que l’Arabie saoudite et l’Iran), tandis que d’autres vivent dans des pays à gouvernement séculier (comme la Tunisie et le Bangladesh).


Tableau 1

Pays avec plus de 50% de Musulmans

% de Musulmans Afrique Asie Europe
90% ou plus Algérie Afghanistan Kosovo
Comores Azerbaïdjan
Djibouti Bangladesh
Égypte Iran
Gambie Irak
Libye Jordanie
Mali Maldives
Mauritanie Territoire palestinien
Mayotte Pakistan
Maroc Arabie saoudite
Niger Syrie
Sénégal Tadjikistan
Somalie Turquie
Tunisie Turkménistan
Ouzbékistan
Sahara occidental
Yémen
70% – 89% Guinée Bahreïn Albanie
Sierra Leone Indonésie
Soudan Kuweït
Kirghizistan
Oman
Qatar
Émirats arabes unis
50% – 69% Burkina Faso Brunei
Tchad Kazakhstan
Liban
Malaisie

Notes: Le Territoire palestinien inclut la population arabe de Gaza et de Cisjordanie. Les populations de Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar et des Émirats arabes unis comprennent des résidents non-nationaux.
Source: Pew Forum on Religious & Public Life, The Future of the Global Muslim Population, Projections for 2010-2030 (Washington, DC: Pew Research Center’s Forum on Religion and Public Life, 2011).


L’Indonésie abrite la plus grande population musulmane du monde—les Musulmans y représentent 212 millions des 241 millions d’habitants (88 pour cent). Les 184 millions de Musulmans en Inde forment près de 15 pour cent de la population du pays. En Europe, le Kosovo et l’Albanie sont les deux seuls pays à majorité musulmane. La France a la plus grande population musulmane en Europe de l’Ouest (8 pour cent). Les Musulmans forment près de 5 pour cent de la population du Royaume-Uni ; ils sont moins d’1 pour cent dans la population des États-Unis. Environ 18 pour cent de la population d’Israël est musulmane.

On dit souvent que l’Islam est la religion du monde qui augmente le plus vite. C’est fort probable, à cause du rythme de la transition démographique dans les pays à majorité musulmane par rapport au reste du monde. Le processus de transition démographique comporte trois étapes :

  • Dans le premier stade, tant les taux de mortalité que les taux de natalité sont élevés, ce qui résulte en un taux d’accroissement faible.
  • Au cours du deuxième stade, la mortalité baisse suivie par le déclin ultérieur de la fécondité, ce décalage produisant une croissance démographique rapide.
  • Dans la troisième et dernière étape de la transition, les taux de mortalité et de natalité sont tous les deux faibles, et à nouveau la croissance démographique est faible.
  • Si l’on examine dans un contexte global la croissance démographique des pays à majorité musulmane, c’est au Moyen Orient et en Afrique du Nord (dans la région MENA) que l’on trouve la plus forte concentration de pays qui ont plus de 90 pour cent de Musulmans dans leur population. La région a connu une baisse rapide de la mortalité durant la seconde moitié du XXe siècle, tandis que la fécondité demeurait relativement élevée. Le résultat a été qu’entre 1950 et 2000, la région MENA a connu la croissance démographique la plus rapide de toutes les grandes régions du monde. La croissance démographique de MENA a atteint un pic de 3 pour cent par an aux alentours de 1980, tandis que la croissance démographique du monde avait atteint un maximum de 2 pour cent par an plus d’une décennie auparavant.2

Aujourd’hui, l’Iran, le Liban, la Tunisie et la Turquie (tous dans la région MENA) ont terminé leur transition démographique, arrivant à des indices synthétiques de fécondité (ISF, le nombre moyen d’enfants par femme) de l’ordre de 2,1 enfants par femme (c’est le niveau de remplacement des générations), voire même en-dessous de ce niveau. L’Indonésie et le Maroc sont presque là également. Mais à cause de leurs taux de fécondité élevés dans le passé, ces pays ont une structure par âge « jeune », et leurs populations vont continuer à s’accroître. Par exemple, on s’attend à ce que la population iranienne s’accroisse de 79 à 100 millions  entre 2012 et 2050; celle de l’Indonésie pourrait passer de 241 à plus de 300 millions. Dans les deux cas, la population va augmenter d’environ 25 pour cent.

La vitesse d’accroissement sera plus rapide dans les pays qui se trouvent dans les stades initiaux ou intermédiaires de leur transition démographique, en particulier dans les pays concernés en Afrique subsaharienne. L’ISF du Niger, qui est de 7,1, amènera un triplement de la population, qui atteindra 54 millions en 2050. De même, l’ISF du Mali, qui est de 6,3 enfants par femme, fera augmenter la population de 16 millions en 2012 à 45 millions en 2050. La population du Nigéria—le pays le plus peuplé d’Afrique—devrait plus que doubler d’ici 2050, pour atteindre plus de 400 millions d’habitants. Aujourd’hui, près de la moitié (48 pour cent) de la population du Nigéria est musulmane, suivant les estimations du Pew Forum on Religion & Public Life, mais dans deux décennies les Musulmans devraient devenir la majorité là aussi. Le Tableau 2 présente deux indicateurs importants de transition démographique, à savoir l’espérance de vie à la naissance et l’ISF, pour les pays qui abritent les 10 populations musulmanes les plus importantes dans le monde.


Tableau 2

Les 10 populations musulmanes les plus importantes

Pays Population musulmane, mi-2012 (millions, est.) Population totale, mi-2012 (millions) % Musulmans, 2010 Espérance de vie à la naissance, Deux Sexes (années) ISF (enfants par femme)
Indonésie 212,3 241,0 88,1 72 2,3
Inde 183,9 1.259,7 14,6 65 2,5
Pakistan 173,9 180,4 96,4 65 3,6
Bangladesh 138,2 152,9 90,4 69 2,3
Nigéria 81,5 170,1 47,9 51 5,6
Iran 78,7 78,9 99,7 70 1,9
Égypte 77,9 82,3 94,7 72 2,9
Turquie 73,9 74,9 98,6 73 2,0
Algérie 36,7 37,4 98,2 73 2,9
Maroc 32,6 32,6 99,9 72 2,3

Sources: Les populations musulmanes (estimations) et les pourcentages de Musulmans viennent du Pew Forum on Religion & Public Life, The Future of the Global Muslim Population. Projections for 2010-2030 (Washington, DC: Pew Research Center’s Forum on Religion and Public Life, 2011); la population totale, l’espérance de vie à la naissance et l’indice synthétique de fécondité (ISF) sont tirés du Population Reference Bureau, Fiche de données sur la population mondiale 2012 (Washington, DC: Population Reference Bureau, 2012).


Il est difficile de prévoir le rythme de la transition démographique d’un pays. L’Iran a surpris le monde quand son ISF est tombé de 5,6 en 1985 à 2,0 en 2000—la baisse la plus rapide jamais enregistrée.3 Par ailleurs, les baisses de fécondité qui avaient commencé en Égypte et en Jordanie se sont maintenant arrêtées; l’Égypte a un ISF de 2,9 et la Jordanie, de 3,8 (3,5 selon la dernière enquête4), toujours loin du niveau de remplacement.

Pendant la transition démographique, les pays connaissent une transformation de leur structure par âge et doivent faire face à un phénomène connu sous le nom de « surplus des jeunes »—quand les jeunes constituent une proportion importante de leur population, ce qui a pour effet d’alimenter le momentum de croissance démographique. À ce jour, près d’un tiers des populations en Égypte et au Pakistan sont âgées de 15 à 29 ans.

Si l’on tient compte de la place des pays à majorité musulmane dans le schéma de la transition démographique, on remarque que la plupart des pays à majorité musulmane (plus le Nigéria) ont toujours des indices de fécondité au-dessous de la moyenne mondiale de 2,4 enfants par femme. Pour les années à venir, l’Islam pourrait en effet rester la religion qui connaît la croissance la plus rapide.


Farzaneh Roudi-Fahimi est Directrice de programme, Programme Moyen Orient et Afrique du Nord, Population Reference Bureau. John F. May est Chercheur en visite au PRB. Allyson C. Lynch est Stagiaire au PRB.


Références

  1. Carl Haub et Toshiko Kaneda, Fiche de données sur la population mondiale 2012 (Washington, DC: Population Reference Bureau, 2012); UN Population Division, World Population Prospects: The 2010 Revision (New York: UN Population Division, 2011); et Pew Forum on Religion & Public Life, The Future of the Global Muslim Population, Projections for 2010-2030 (Washington, DC: Pew Research Center’s Forum on Religion and Public Life, 2011). Voir aussi Hans Groth et Alfonso Sousa-Poza, Édits, Population Dynamics in Muslim Countries: Assembling the Jigsaw (New York: Springer, 2012).
  2. Farzaneh Roudi-Fahimi, Population Trends and Challenges in the Middle East and North Africa (Washington, DC: Population Reference Bureau, 2001).
  3. Farzaneh Roudi-Fahimi, Iran’s Family Planning Program: Responding to a Nation’s Needs (Washington, DC: Population Reference Bureau, 2002).
  4. The Hashemite Kingdom of Jordan, Jordan Population and Family Health Survey 2012. Preliminary Report, Amman: Department of Statistics & MEASURE DHS, ICF International, Calverton, Maryland, USA.