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Déchiffrer la démographie du Myanmar

(Septembre 2014) Le Myanmar (appelé la Birmanie jusqu’en mai 1989) revient dans l’actualité, en particulier parce qu’il a récemment fait des progrès notables pour parvenir à un régime plus démocratique. Le pays est en train de s’ouvrir davantage vers la communauté internationale et de rechercher plus de liens avec l’économie globalisée. Il faut aussi noter que le Myanmar a attiré des investisseurs étrangers intéressés par ses ressources naturelles telles que le gaz naturel, le pétrole, les minerais et le bois.

Cependant, à cause de plusieurs décennies d’isolement qui n’ont pris fin qu’en 2011, il subsiste beaucoup d’inconnues sur le Myanmar, y compris sa démographie. Plus de 30 ans se sont écoulés depuis le dernier recensement de la population ; un nouveau recensement est actuellement en cours. C’est pourquoi même une simple estimation de la population est problématique.

Les estimations de population ne tiennent pas compte de la migration

Le Ministère du Travail du Myanmar a évalué la population à près de 60 millions en 2010, mais la Division de la population des Nations unies (UNPD) a calculé qu’elle était approximativement de 52 millions.1 Selon les tous derniers calculs, la Division de population des NU a estimé que la population en 2013 était plus proche de 53 millions.

La migration est un facteur crucial qui influence la population du Myanmar. Ce dernier a des frontières communes avec le Bangladesh, l’Inde, la Chine, le Laos et la Thaïlande et ces frontières ont souvent été faciles à franchir pour les populations. Les gens ont fui le pays à cause de l’insécurité, de la pauvreté, du manque d’emplois et de la famine. Cependant, les estimations officielles nationales ne tiennent aucunement compte de l’émigration internationale depuis ou pendant les périodes troublées des régimes militaires.2

La Thaïlande, qui est la principale destination des migrants birmans, a officiellement fait état d’un million de travailleurs birmans en 2009. Mais beaucoup de travailleurs migrants, peut-être plus de la moitié, n’ont pas de permis légal de travail. Si l’on tient compte des réfugiés qui sont dans les autres pays, au moins 3 millions de Birmans ont quitté le pays mais figurent encore dans les anciennes estimations nationales de population. Ceci compromet toute tentative d’obtenir une évaluation fiable de la population totale.

Les conflits ethniques rendent les estimations encore plus difficiles

Les nombreux groupes ethniques vivant au Myanmar rendent encore plus difficiles les estimations précises de population. Les Bamars, le groupe le plus important, représentent 68 pour cent de la population.3 Les autres groupes ethniques sont les Shan, les Karen, les Mon, les Chinois, les Indiens et les Rohingya. Près de 89 pour cent de la population est bouddhiste, avec un petit nombre de chrétiens et de musulmans—chacun de ces groupes représentant 4  pour cent de la population.

La violence entre les groupes ethniques reste un problème dans plusieurs régions du pays, principalement entre les musulmans Rohingya et divers groupes bouddhistes dans l’État de Rakhine.4 Les Rohingya n’ont pas d’accès légal à la citoyenneté et sont considérés comme des immigrants illégaux bangladeshis, appelés Bengalis. Le recensement de 2014 ne permettait pas aux personnes de l’ethnie Rohingya de s’identifier comme tels et, au contraire, leur a imposé de s’enregistrer comme Bengalis. Ceci les a confirmé de facto dans leur statut d’immigrants illégaux et a empêché leur inclusion dans le recensement.5

La structure par âge éclaire l’évolution démographique du Myanmar

En dépit de ces lacunes, la pyramide de la population du Myanmar, calculée à partir des chiffres les plus récents de l’UNPD, fournit un peu d’information sur l’évolution démographique du pays. Elle reflète en particulier les changements de population du Myanmar et l’évolution de la fécondité. Elle fournit aussi quelques éclaircissements sur les résultats des anciennes politiques de population.

Il ressort de la structure par âge actuelle que la population du Myanmar a connu un processus de transition démographique au cours des 50 dernières années, bien que les estimations officielles n’en tiennent pas toujours compte. Les taux de mortalité infantile sont passés de 116 décès pour 1000 naissances vivantes en 1970 à 49 décès en 2013, tandis que l’espérance de vie a augmenté de 51 ans en 1970 à 65 ans en 2013.6 Le taux d’accroissement naturel, qui a diminué pendant les 40 dernières années, est actuellement estimé à 0,9 pour cent par an.7

Le surplus des jeunes entre 15 et 29 ans est le résultat des anciennes politiques pro-natalistes du gouvernement. Cependant, l’accent mis récemment sur l’espacement et la limitation des naissances se retrouve dans le rétrécissement de la base de la pyramide de la population que l’on observe en dessous de 15 ans. En conséquence, 28 pour cent de la population a moins de 15 ans et seulement 5 pour cent a plus de 65 ans. Ces observations sont conformes aux indices de fécondité décroissants qu’a connus le Myanmar, lesquels sont passés de 6,0 enfants en 1970 à 2,0 enfants en 2013.8 En 2007, 38 pour cent des femmes mariées entre 15 et 49 ans utilisaient une méthode moderne de contraception. Néanmoins, en dépit de faibles indices de fécondité, le Myanmar connaît toujours un niveau élevé de besoins non satisfaits en matière de contraception (espacement et limitation), lequel est estimé à 18 pour cent.9



Vers un avenir prometteur

Le surplus des jeunes, qui s’estompe, réduit le risque des défis classiques auxquels une jeune population est confrontée, à savoir des goulots d’étranglement pour fournir les investissements en capital humain (éducation et santé) ainsi qu’en matière d’emploi. En conséquence, le niveau de remplacement de la fécondité au Myanmar offre un certain espoir pour l’avenir, ce qui est différent des pays politiquement moins stables dont la population jeune ne cesse de croître.

Le Myanmar s’est aussi engagé à stimuler son développement économique et à accélérer d’autres transformations socioéconomiques. Bien que le pays reste relativement rural (31 pour cent seulement de la population vit en zone urbaine), une nouvelle capitale, Nay Pyi Taw, qui offre l’avantage d’une localisation géographique centrale, a remplacé la vieille capitale de Yangon (anciennement Rangoon), avec l’espoir de favoriser le développement urbain en dehors des grandes villes traditionnelles de Yangon et Mandalay.10

Avec davantage de perspectives favorables, démographiques et économiques, se profilant à l’horizon, on peut être prudemment optimiste pour les années à venir quant à la démocratisation et à la stabilité du Myanmar.


John F. May est un Chercheur invité au Population Reference Bureau (PRB). Thomas R. Brooke est Stagiaire au PRB. Les auteurs souhaitent remercier Thomas Spoorenberg, Division de la Statistique des Nations unies, pour ses commentaires judicieux sur une version préliminaire de cet article, ainsi qu’Allyson C. Lynch, Stagiaire au PRB, pour son aide durant la recherche pour cet article.


Références

  1. Department of Labour, Ministry of Labour, The Republic of the Union of Myanmar, Handbook on Human Resources Development Indicators, 2010 (Nay Pyi Taw, Myanmar: Department of Labour, 2012); et United Nations Population Division, World Population Prospects: The 2012 Revision (New York: Nations unies, 2013).
  2. Thomas Spoorenberg, “Demographic Changes in Myanmar Since 1983: An Examination of Official Data,” Population and Development Review 39, no. 2 (2013): 309-24.
  3. Barry Turner, The Statesman’s Yearbook 2014: The Politics, Cultures, and Economies of the World (New York: Palgrave Macmillan, 2013).
  4. Associated Press, “Religious Tensions Cloud Myanmar Census,” The New York Times, 30 mars 2014, consulté à www.nytimes.com/2014/03/31/world/asia/religious-tensions-cloud-myanmar-census.html?_r=0, le 10 avril 2014.
  5. “Don’t Count On It: Myanmar’s Course Is Leading in the Wrong Direction,” The Economist, 5 avril 2014, consulté à www.economist.com/news/asia/21600119-myanmars-course-leading-wrong-direction-dont-count-it, le 10 avril 2014; et UNFPA, “Observers Report Myanmar Census Ran Smoothly, Except in Rakhine State,” consulté à http://countryoffice.unfpa.org, le 29 avril 2014.
  6. Carl Haub et Toshiko Kaneda, 2014 World Population Data Sheet (Washington, DC: Population Reference Bureau, 2014).
  7. Haub et Kaneda, 2014 World Population Data Sheet.
  8. Haub et Kaneda, 2014 World Population Data Sheet.
  9. Union of Myanmar et UNFPA, Country Report on 2007 Fertility and Reproductive Health Survey (Nay Pyi Taw, Myanmar: Department of Population, Ministry of Immigration and Population, et UNFPA, 2009).
  10. Haub et Kaneda, 2014 World Population Data Sheet.
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Deciphering the Demography of Myanmar

(September 2014) Myanmar (known as Burma until May 1989) is back in the news, especially as it has recently made great strides toward a more democratic regime. The country is expanding its outreach to the international community and seeking more global economic connections. Most noteworthy, Myanmar has attracted foreign investors keen to capitalize on its natural resources such as natural gas, oil, minerals, and lumber.

However, due to decades of seclusion that only ended in 2011, much remains unknown about Myanmar, especially its demography. More than 30 years have passed since the last population census: A new census is currently underway. Therefore, even a simple population estimate is problematic.

Population Estimates Do Not Include Migration

The Myanmar Department of Labour estimated the population to be close to 60 million in 2010 but the United Nations Population Division (UNPD) calculated it to be about 52 million.1 According to the most updated figures, the UNPD estimated the 2013 population to be closer to 53 million.

A crucial factor influencing the population of Myanmar is migration. Myanmar borders Bangladesh, India, China, Laos, and Thailand, and has frequently maintained a fluid border population. Citizens have fled due to civil unrest, poverty, reduced employment, and hunger. However, official national estimates do not include any international out-migration during or since the turbulent times of military regimes.2

Thailand, the largest destination for Burmese migrants, officially reported 1 million Burmese workers in 2009. But many migrant workers, perhaps more than one-half, do not have legal work permits. Combined with refugees in other countries, as many as 3 million Burmese have left the country but are still counted in the old national population estimates. This situation compromises any attempt to obtain a reliable overall population estimate.

Ethnic Conflict Complicates Accurate Estimates

The numerous ethnic groups living in Myanmar further complicate accurate population estimates. The most prominent group, the Bamars, make up 68 percent of the population.3 Other ethnic groups include the Shan, Karen, Mon, Chinese, Indian, and Rohingya. About 89 percent of the population is Buddhist, with small proportions of Christians and Muslims—both 4 percent of the population.

Violence between ethnic groups remains a problem in various regions in the country, most notably between the Muslim Rohingya and various Buddhist groups in the Rakhine State.4 The Rohingya are legally barred from citizenship and are viewed as Bangladeshi illegal immigrants, called Bengalis. The 2014 census would not allow ethnic Rohingyas to identify themselves as such, but instead required them to identify as Bengalis, which confirmed de facto their continued status as illegal immigrants, and precluded their inclusion in the census.5

The Age Structure Sheds Light on Myanmar’s Demography

Notwithstanding these shortcomings, Myanmar’s population pyramid, calculated from the most recent UNPD figures, provides some information on the demographic evolution of the country. It reflects in particular Myanmar’s population changes and fertility trends. It also sheds some light on the impact of past population policies.

From the current age structure, it appears that Myanmar’s population has undergone a demographic transition over the last half-century, although official estimates do not always account for this. Infant mortality rates have decreased from 116 deaths per 1,000 live births in 1970 to 49 in 2013 while life expectancy has increased from 51 years in 1970 to 65 in 2013.6 The rate of natural growth, which has been decreasing over the past 40 years, is currently estimated at 0.9 percent per year.7

The youth bulge between the ages of 15 and 30 shows the effects of past governmental pronatalist policies. A recent emphasis on birth spacing and limiting, however, is reflected in the narrowing of the population pyramid base seen under the age of 15. Accordingly, 28 percent of the population is below age 15 and only 5 percent above age 65. These observations align with Myanmar’s decreased fertility rates from 6.0 children in 1970 to 2.0 in 2013.8 In 2007, 38 percent of married women ages 15 to 49 were using a modern form of contraception. Nonetheless, in spite of low fertility rates, Myanmar still has a high level of unmet need for contraception (spacing and limiting), which is estimated at 18 percent.9



Toward A Promising Future

The decreased youth bulge reduces the risk for typical challenges facing a young population, namely bottlenecks to provide human capital investments (education and health) as well as employment. Consequently, the replacement-level fertility of Myanmar offers a measure of hope for the future, in contrast with politically less-stable countries with an ever-growing youth population.

Myanmar is also committed to fostering its economic development and bringing about other socioeconomic transformations. Although the country remains relatively rural (only 31 percent of the population lives in urban areas), a new capital, Nay Pyi Taw, which boasts a geographically centralized location, has replaced the old capital city of Yangon (formerly Rangoon), in an attempt to spur urban development beyond the traditional major cities of Yangon and Mandalay.10

With more favorable demographics and economic prospects on the rise, one can be cautiously optimistic in the years to come for democratization and stability in Myanmar.


John F. May is a Visiting Scholar at the Population Reference Bureau (PRB). Thomas R. Brooke is an intern at PRB. The authors want to thank Thomas Spoorenberg, United Nations Statistics Division, for his thoughtful comments on an earlier draft; and Allyson C. Lynch, intern at PRB, for her assistance with background research for this paper.


References

  1. Department of Labour, Ministry of Labour, The Republic of the Union of Myanmar, Handbook on Human Resources Development Indicators, 2010 (Nay Pyi Taw, Myanmar: Department of Labour, 2012); and United Nations Population Division, World Population Prospects: The 2012 Revision (New York: United Nations, 2013).
  2. Thomas Spoorenberg, “Demographic Changes in Myanmar Since 1983: An Examination of Official Data,” Population and Development Review 39, no. 2 (2013): 309-24.
  3. Barry Turner, The Statesman’s Yearbook 2014: The Politics, Cultures, and Economies of the World (New York: Palgrave Macmillan, 2013).
  4. Associated Press, “Religious Tensions Cloud Myanmar Census,” The New York Times, March 30, 2014, accessed at www.nytimes.com/2014/03/31/world/asia/religious-tensions-cloud-myanmar-census.html?_r=0, on April 10, 2014.
  5. “Don’t Count On It: Myanmar’s Course Is Leading in the Wrong Direction,” The Economist, April 5, 2014, accessed at www.economist.com/news/asia/21600119-myanmars-course-leading-wrong-direction-dont-count-it, on April 10, 2014; and UNFPA, “Observers Report Myanmar Census Ran Smoothly, Except in Rakhine State,” accessed at http://countryoffice.unfpa.org, on April 29, 2014.
  6. Carl Haub and Toshiko Kaneda, 2014 World Population Data Sheet (Washington, DC: Population Reference Bureau, 2014).
  7. Haub and Kaneda, 2014 World Population Data Sheet.
  8. Haub and Kaneda, 2014 World Population Data Sheet.
  9. Union of Myanmar and UNFPA, Country Report on 2007 Fertility and Reproductive Health Survey (Nay Pyi Taw, Myanmar: Department of Population, Ministry of Immigration and Population, and UNFPA, 2009).
  10. Haub and Kaneda, 2014 World Population Data Sheet.