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Les enfants au Cambodge : confrontés à un taux de mortalité élevé

(Décembre 2002) En dépit des acquis majeurs en termes de survie des enfants au cours des 25 dernières années, plus de 10 millions d’entre eux décèdent chaque année dans le monde avant l’âge de 5 ans, souvent à la suite de maladies et de conditions qui auraient pu être évitées ou traitées sans difficulté. Dans certains pays, plus d’un enfant sur cinq meurt avant son cinquième anniversaire. Et parmi ceux qui survivent les maladies infantiles, nombreux sont ceux sont la croissance et le développement sont affectés. Au Cambodge, un enfant sur huit meurt avant son cinquième anniversaire, et nombreux sont ceux qui sont atteints de maladies que les vaccins, une meilleure nutrition et une bonne hygiène permettraient d’éviter1. Grâce aux programmes efficaces de prévention et de traitement des principales maladies infantiles disponibles, il est possible d’encourager une croissance saine et un bon développement. La poursuite des efforts entrepris pour offrir des services de santé de qualité exige une approche intégrée, combinant des volets préventifs et curatifs et devant être mise en application tant au niveau des familles et des communautés qu’à celui des centres médicaux.

Taux de mortalité chez les très jeunes enfants

Selon l’enquête démographique et de santé réalisée en 2000 au Cambodge (EDS), sur 1.000 bébés nés au Cambodge, 95 meurent avant leur premier anniversaire, ce qui représente l’un des taux de mortalité infantile les plus élevés de l’Asie du Sud-Est (voir la figure 1), et plus d’un tiers de ces décès ont lieu au cours du premier mois de la vie de ces enfants. Par ailleurs, 33 enfants sur 1.000 meurent avant leur cinquième anniversaire. Au total, 1 petit Cambodgien sur 8 meurt avant d’atteindre l’âge de 5 ans.


Figure 1
Mortalité infantile en Asie du Sud-Est

Source : PRB, Fiche de données sur la population mondiale 2002.


Dans les régions rurales, les enfants nés de mères sans éducation et dont les mamans n’ont pas bénéficié d’aide à l’accouchement se trouvent dans une situation encore plus risquée. Les disparités géographiques en matière de survie des enfants sont également très importantes au Cambodge : les taux de mortalité infantile les plus élevés sont enregistrés à Mondol Kiri/Rotanak Kiri (170 décès pour 1.000 naissances vivantes) alors que les plus faibles sont ceux de Phnom Penh (38 décès pour 1.000 naissances vivantes)2.

Nutrition maternelle

Les problèmes de nutrition maternelle tels que l’anémie et la malnutrition affectent tant la santé des mères que celles de leur progéniture. Soixante-six pour cent des femmes enceintes au Cambodge souffrent d’anémie. Lorsque les mères sont malades ou mal nourries, leurs nourrissons sont d’autant plus à risque de maladie et de mort prématurée.

Les enfants nés de mères souffrant de malnutrition risquent davantage d’être trop petits (d’un poids inférieur à la normale). Et les bébés qui ont un poids trop faible à la naissance courent des risques beaucoup plus élevés de décès ou d’infection, de malnutrition et d’invalidités à long terme, telles que des problèmes de vue et d’ouïe, des difficultés d’apprentissage et des incapacités mentales. Les données exactes relatives aux poids à la naissance n’étant pas disponibles pour la plupart des enfants, l’EDSC 2000 a demandé aux mères d’estimer si à la naissance le poids de leurs enfants était élevé, supérieur à la moyenne, égal à la moyenne, inférieur à la moyenne ou faible. Les enfants déclarés par leurs mères comme d’un poids inférieur à la moyenne ou faible étaient deux fois et demi plus susceptibles de mourir avant l’âge d’un mois que ceux d’un poids égal ou supérieur à la moyenne3.

Espacement des naissances

L’espacement des naissances a un impact considérable sur la survie des enfants. En effet, les naissances rapprochées peuvent porter préjudice à la santé des nourrissons car elles forcent une concurrence entre enfants pour les soins et la nourriture. Les enfants nés à faibles intervalles enregistrent des taux plus élevés de malnutrition ; ils se développent plus lentement et sont plus susceptibles de contracter des maladies infantiles infectieuses et d’en mourir. Au Cambodge, les enfants nés deux ans ou moins après leur aîné sont presque trois fois plus susceptibles (2,8 fois) de mourir pendant leur premier mois d’existence (mortalité néonatale) et plus de deux fois (2,2 fois) plus susceptibles de mourir avant leur premier anniversaire (mortalité infantile) que les enfants nés à au moins quatre ans d’intervalle4 (voir la figure 2).


Figure 2
Mortalité infantile au Cambodge par intervalle entre les naissances

Source : Enquête démographique et de santé 2000 pour le Cambodge.


Vaccination

La vaccination des enfants contre les six maladies faisant traditionnellement l’objet de vaccins, à savoir la polio, la diphtérie, la coqueluche, le tétanos, la rougeole et la tuberculose, pourrait permettre de sauver environ 2,5 millions d’enfants chaque année dans les pays en développement. La vaccination représente l’une des interventions sanitaires les plus rentables. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), chaque dollar dépensé en vaccins permet d’économiser 29 dollars de traitement et autres coûts5. Cependant, malgré les avantages prouvés de la vaccination, la couverture au Cambodge demeure médiocre : seuls 40 % des enfants sont entièrement vaccinés contre les maladies précitées.

Les enfants des zones urbaines et ceux dont les mères ont été au moins scolarisées jusqu’au secondaire sont plus susceptibles de recevoir l’ensemble de ces vaccins. Ces chiffres fluctuent de manière considérable d’une province à l’autre. Le pourcentage d’enfants entièrement vaccinés varie de 12 % seulement dans la province de Kaoh Kong à un maximum de 63 % dans celle de Bat Dambang/Krong Pailin6 (voir la figure 3).


Figure 3
Taux de vaccination complète au Cambodge pour les enfants âgés de 12 à 23 mois

Source : Enquête démographique et de santé 2000 pour le Cambodge.


Maladies infantiles

Trois maladies – le paludisme, les maladies diarrhéiques et les infections respiratoires aiguës (IRA) – sont responsables de l’essentiel de la morbidité et de la mortalité infantiles. Les maladies diarrhéiques et les infections respiratoires aiguës provoquent 80 % à 90 % de tous les décès de maladies contagieuses chez les enfants de moins de 5 ans dans le monde entier. Le paludisme est responsable de plus de 3.000 millions de crises aiguës et d’au moins 1 million de décès chaque année chez les gens de tous les âges. Au Cambodge, les enfants sont fréquemment atteints de ces maladies.

Maladies diarrhéiques

Les mères interrogées dans le cadre de l’EDS pour le Cambodge ont déclaré que 19 % de leurs enfants de moins de 5 ans avaient souffert de diarrhée aqueuse, et 5 % de diarrhée avec du sang dans les selles au cours de deux semaines ayant précédé l’enquête. Les jeunes enfants âgés de 6 à 23 mois sont plus susceptibles de souffrir de diarrhée que les enfants des autres groupes d’âge. La déshydratation provoquée par la diarrhée est une cause fréquente de décès chez les jeunes enfants.

Un grand nombre de ces décès pourrait être évité grâce à une thérapie de réhydratation orale (TRO), où l’enfant reçoit une solution composée d’eau, de sucre et de sel, achetée dans le commerce ou préparée à la maison. La majorité des enfants souffrant de diarrhée (61 %) a fait l’objet d’un traitement basé sur une forme de TRO, le plus souvent une solution d’eau de riz préparée à la maison. Parmi les autres traitements figurent une augmentation de l’administration de liquides, des comprimés ou des sirops, des injections ou divers remèdes faits maison. Et 12 % des enfants souffrant de diarrhée n’ont bénéficié d’aucun traitement7. Les efforts déployés au Cambodge pour lutter contre la diarrhée doivent être à la fois préventifs et curatifs, et se fonder sur des interventions multiples, dont la promotion de l’allaitement, une alimentation complémentaire adéquate, l’accès à des ressources en eau sans danger et un bon système d’évacuation des eaux usées, en plus de la TRO.

Fièvre

La prévalence de la fièvre est l’une des manifestations primaires du paludisme et d’autres infections aiguës chez les enfants. Au Cambodge, les mères ont déclaré que 35 % de leurs enfants de moins de 5 ans avaient eu des accès de fièvre au cours de deux semaines précédant l’enquête. Les enfants âgés de 6 à 23 mois ont plus fréquemment de la fièvre que les enfants des autres groupes d’âge. Les variations en fonction du niveau d’éducation de la mère, du lieu de résidence ou du sexe de l’enfant sont minimes. Cependant, les variations régionales sont marquées, et fluctuent entre 4 % des enfants dans la région de Prey Veang et 54 % dans celle de Kampong Chhnang.

Parmi les enfants ayant bénéficié d’un traitement pour leur accès de fièvre, 84 % ont reçu des comprimés (dont des comprimés antipaludiques) ou du sirop (voir la figure 4). Environ un enfant sur six a bénéficié d’un traitement par perfusion ou par injection, ce qui reflète la gravité de l’infection. Sept pour cent des enfants ont reçu des remèdes faits maison ou d’autres traitements contre la fièvre, et un enfant sur dix n’a bénéficié d’aucun traitement8.


Figure 4
Traitement des enfants de moins de 5 ans atteints de fièvre au Cambodge

Source : Enquête démographique et de santé de 2000 au Cambodge.


Infections respiratoires aiguës

Les infections respiratoires aiguës sont la principale cause de mortalité chez les jeunes enfants, faisant près de 2 millions de victimes chaque année chez les moins de 5 ans des pays en développement. Selon la Banque mondiale, les infections respiratoires aiguës sont responsables de 30 % à 50 % des visites d’enfants dans les centres de santé et de 20 % à 40 % des hospitalisations d’enfants dans le monde entier9. Les mères ont déclaré que 20 % des enfants de moins de 5 ans présentaient des symptômes d’infections respiratoires aiguës dans les deux semaines précédant l’EDS pour le Cambodge. Au Cambodge, la prévalence des infections respiratoires aiguës varie avec l’âge des enfants. Les plus susceptibles de présenter des symptômes d’infections respiratoires aiguës sont ceux âgés de 6 à 11 mois (27 %). Il n’existe pas de différences en termes de prévalence des infections respiratoires aiguës en fonction du sexe de l’enfant, du niveau d’éducation de la mère ou du lieu de résidence, mais les variations régionales persistent : chez les enfants de moins de 5 ans, le taux de prévalence le plus faible de ces infections est enregistré dans la région de Prey Veaeng (3 %) et le plus élevé dans la région de Kandal (32 %)10.

Les interventions pour le traitement des infections respiratoires aiguës ne sont pas forcément coûteuses et elles peuvent être administrées au niveau local. Selon l’Agence des États-Unis pour le Développement international (USAID), un simple traitement avec des antibiotiques administrés par voie orale, moyennant 25 cents la dose, peut être fourni au niveau communautaire pour la plupart des pneumonies des nouveaux-nés et des enfants11.

Implications en termes de politique générale

Les programmes conçus pour aider les enfants à survivre et à vivre en meilleure santé sont simples et d’une grande efficacité : espacement des naissances, vaccination, nutrition et hygiène. Les avantages économiques de ces investissements ont été clairement établis et ils s’accompagnent de rendements importants dans les domaines de l’éducation et de la santé, et d’économies futures en termes de frais médicaux, de rééducation, de chômage et de criminalité. Un investissement dans les enfants est un investissement dans l’avenir : les enfants d’aujourd’hui seront les éducateurs, les médecins, les parents et les dirigeants de demain. La garantie d’une entrée solide dans l’adolescence et l’âge adulte est essentielle pour le développement durable et la prospérité du Cambodge.


Références

  1. National Institute of Statistics (NIS), Directorate General for Health [Cambodge] et ORC Macro, Enquête démographique et de santé pour le Cambodge (CDHS) 2000 (Phnom Penh, Cambodge et Calverton, Maryland : NIS Directorate General for Health et ORC Macro, 2001) : 121.
  2. NIS, Directorate General for Health [Cambodge] et ORC Macro, CDHS 2000 : 125.
  3. NIS, Directorate General for Health [Cambodge] et ORC Macro, CDHS 2000 : 126.
  4. NIS, Directorate General for Health [Cambodge] et ORC Macro, CDHS 2000 : 127.
  5. Global Alliance for Vaccines and Immunizations, The impact of immunization on economic development, consulté en ligne à l’adresse suivante : www.vaccinealliance.org/press/press_econ.html, le 23 juillet 2002.
  6. NIS, Directorate General for Health [Cambodge] et ORC Macro, CDHS 2000 : 153.
  7. NIS, Directorate General for Health [Cambodge] et ORC Macro, CDHS 2000 : 161.
  8. NIS, Directorate General for Health [Cambodge] et ORC Macro, CDHS 2000 : 155-57.
  9. Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), Global health, child survival, consulté en ligne à www.usaid.gov/pop_health/cs/csari.htm, le 20 juillet 2002.
  10. NIS, Directorate General for Health [Cambodge] et ORC Macro, CDHS 2000 : 155.
  11. USAID, Global health, child survival.