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Lutter contre la malnutrition avec des moyens autres que la croissance du revenu

(Octobre 2012) La malnutrition contribue à 2,6 millions de décès d’enfants chaque année dans le monde, soit plus d’un décès sur trois de l’ensemble des décès infantiles.1 Alors que les enfants vivant dans des pays plus pauvres sont plus susceptibles de souffrir de malnutrition que les enfants vivant dans les pays plus riches, la proportion d’enfants qui souffrent de malnutrition n’est pas toujours associée à la situation économique d’un pays. Certains pays qui sont devenus des puissances économiques affichent toujours un nombre élevé d’enfants souffrant de malnutrition, tandis que d’autres pays avec un niveau de revenu national plus bas ont réalisé des progrès dans la lutte contre la malnutrition en investissant dans des interventions rentables et prouvées qui garantissent l’accès des enfants à une bonne nutrition. Avec une volonté politique, le soutien du gouvernement et des partenaires politiques, et les bonnes stratégies, plus d’enfants pourront survivre et atteindre leur plein potentiel dans tous les pays du monde.

Le Facteur de Revenu

La croissance du revenu et la croissance économique peuvent influencer la nutrition à bien des égards. Des populations plus riches ont les capacités d’acheter des aliments plus variés, y compris des produits d’origine animale riches en protéines—éléments constitutifs d’une bonne santé—ainsi que des fruits et des légumes riches en vitamines, minéraux et autres nutriments. Les populations plus pauvres n’ont souvent pas accès à la bonne variété et à la bonne quantité d’aliments, ce qui entraîne une nutrition inadéquate. Pour ces populations plus pauvres, la croissance économique peut accroître les revenus des ménages, et entraîner une augmentation des dépenses en matière de santé, d’alimentation et d’éducation, conduisant à une meilleure santé et nutrition. En outre, lorsque les économies nationales se développent, les gouvernements disposent de plus de ressources à consacrer aux programmes sociaux et aux infrastructure nécessaires au bon fonctionnement des systèmes de santé, améliorant ainsi la santé générale et l’état nutritionnel de la pays.2

Le Paradoxe de la Malnutrition

Malgré les conséquences de la croissance économique sur la malnutrition, les niveaux de revenus nationaux ne sont pas les seuls facteurs qui contribuent à la malnutrition. Certains pays accusent des niveaux plus faibles de retard de croissance, qui représente la malnutrition chronique, que leur produit intérieur brut (PIB) ne le laisse penser, tandis que d’autres connaissent des niveaux spectaculaires de retards de croissance par rapport à leur niveau de revenu. Par exemple :

  • Alors que l’Inde est devenue l’un des marchés économiques les plus importants dans le monde, avec un PIB de 3620 dollars par habitant, près de la moitié de la population d’enfants souffre d’un retard de croissance. Malgré la croissance substantielle de l’Inde au cours des dernières décennies—dont le PIB par habitant était de 980 dollars en 1993—le niveau des enfants souffrant d’un retard de croissance a diminué de moins de 10 pour cent. Paradoxalement, bien que la plupart des pays d’Afrique subsaharienne disposent de moins de revenu par habitant que l’Inde, la majorité de ces pays ont des niveaux plus faibles de malnutrition infantile.3
  • Contrairement à l’Inde, le Sénégal a fait des progrès considérables pour réduire la malnutrition. Le nombre d’enfants souffrant d’un retard de croissance au Sénégal a considérablement diminué au cours des 20 dernières années, chutant d’un enfant sur trois de moins de 5 ans en 1993 à environ un enfant sur six aujourd’hui. Ces niveaux de retard de croissance sont beaucoup plus faibles que dans les pays voisins qui ont des niveaux de revenu similaires en Afrique occidentale comme le Mali ou de la Guinée, qui affichent tous deux un taux de 39 pour cent d’enfants souffrant de malnutrition.4

La Malnutrition N’est Pas Unique aux Populations Pauvres

Bien que des différences marquées existent entre l’Inde et le Sénégal, dans ces deux pays la malnutrition n’est pas un problème qui affecte uniquement les pauvres (voir figure). Même si les retards de croissance sont 2,5 fois plus fréquents chez les enfants de ménages les plus pauvres en Inde par rapport aux plus riches, plus d’un quart des enfants des familles les plus riches souffrent de retard de croissance. Un faible pourcentage d’enfants chez des familles les plus riches du Sénégal souffrent également de retard de croissance, mais les faibles niveaux national masquent les différences en fonction du niveau de revenu : un tiers des enfants souffrent un retard de croissance dans les familles les plus pauvres au Sénégal, soit le même qu’au niveau national qu’il y a 20 ans.


Les niveaux de retard de croissance diffèrent par la richesse, mais le retard de croissance touche encore les familles les plus riches

Sources : International Institute for Population Sciences (IIPS) et Macro International, Enquête nationale sur la santé familiale (NFHS-3) en Inde, 2005-2006 (Mumbai: IIPS, 2007) ; Salif Ndiaye et Mohamed Ayad, Enquête démographique et de santé au Sénégal, 2005 (Calverton, MD: Centre de recherche pour le développement humain [Sénégal] et Macro International, 2006) ;  et la Banque Mondiale, “International Comparison Program Database: GNI Per Capita” (2012), consulté le 20 août 2012.


Qu’avons-Nous Appris ?

Bien qu’il n’existe pas de solution unique pour améliorer la nutrition des enfants, le soutien aux interventions prouvées peut contribuer à réduire la malnutrition dans le monde. En Inde, leur Integrated Child Development Scheme est l’un des plus grands projets nationaux sur la nutrition dans le monde, mais davantage d’efforts sont nécessaires pour développer et mettre en œuvre ce programme pour atteindre les enfants les plus à risque.5 Même si le programme fournit une nutrition supplémentaire aux enfants souffrant de malnutrition, l’accent doit être mis sur l’amélioration de l’éducation des parents et des soignants en matière de nutrition, et sur l’augmentation des infrastructures nécessaires pour obtenir les bonne quantités et les bonne variétés d’aliments destinés aux enfants. Au même temps, le gouvernement sénégalais, avec l’appui de partenaires internationaux, a mis en œuvre le Programme de Renforcement de la Nutrition en 1993. Ce programme emploie des travailleurs de santé dans les villages pour promouvoir et offrir des interventions intégrées de santé communautaires en faveur des enfants, et s’est élargi pour atteindre plus de la moitié de tous les enfants les plus à risque de malnutrition, en particulier dans les villages les plus pauvres.6

Les Interventions de Lutte Contre la Malnutrition

Nous possédons des outils nécessaires pour réduire le nombre d’enfants souffrant de malnutrition dans tous les pays, quel que soit le niveau de leur revenu national. La recherche a mis en exergue des interventions spécifiques rentables qui peuvent diminuer de manière substantielle le nombre d’enfants souffrant de malnutrition.7 Les investissements dans la nutrition se payent eux-mêmes et entraînent des bénéfices pour les individus, les familles et les nations. Les principales interventions nutritionnelles consistent notamment à assurer que :

  • Les mères et les enfants ont accès à—et consomment—des vitamines et des minéraux essentiels.
  • Les mères et les enfants ont accès à la bonne variété d’aliments et la bonne quantité d’aliments.
  • Les parents et les soignants ont accès à l’information et au soutien dont ils ont besoin pour nourrir leurs enfants de la meilleure façon possible.8

Ces interventions prouvées peuvent sauver la vie de milliers d’enfants à travers le monde et aider les enfants à atteindre leur plein potentiel : en contribuant à de meilleurs résultats scolaires, des revenus plus élevés tout au long de la vie et une productivité plus élevé dans la force de travail nationale. Les progrès réalisés au Sénégal pour lutter contre la malnutrition montrent que la volonté politique, le soutien du gouvernement et des partenaires, et l’engagement en faveur d’interventions prouvées peuvent réduire le nombre d’enfants souffrant de malnutrition, indépendamment de leur statut économique. Il est maintenant temps pour plus de pays—tant les pays riches que les pays pauvres—à s’inspirer de ces succès et à lutter contre les effets dévastateurs de la malnutrition infantile.


Jill Hagey est analyste politique des programmes internationaux du Population Reference Bureau.


Références

  1. Save the Children, “Nutrition in the First 1,000 Days: State of the World’s Mothers 2012” (May 2012), consulté le 20 août 2012.
  2. Derek Headey, Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI), “Turning Economic Growth into Nutrition-Sensitive Growth,” 2020 Conference: Leveraging Agriculture for Improving Nutrition and Health (February 2011), consulté le 20 août 2012.
  3. Sam Mendelson et Samir Chaudhuri, “Child Malnutrition in India: Why Does It Persist?” consulté le 20 août 2012.
  4. Association internationale de développement (IDA), “Senegal: Promoting Nutrition During Pregnancy and Early Childhood” (2012), consulté le 20 août 2012 ; Cellule de planification et de statistique du ministère de la Santé (CPS/MS), Direction nationale de la statistique et de l’informatique du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Commerce (DNSI/MEIC) et Macro International, Enquête démographique et de santé au Mali, 2006 (Calverton, Maryland : CPS/DNSI et Macro International, 2006) ; et Direction nationale de la statistique (DNS Guinée) et Macro International, Enquête démographique et de santé en Guinée, 2005 (Calverton, Maryland : DNS et Macro International, 2006).
  5. IFPRI et al., “Accelerating Progress Toward Reducing Child Malnutrition in India” (janvier 2008), consulté le 20 août 2012.
  6. Association internationale de développement, « Sénégal. »
  7. Zulfigar A. Bhutta et al., “What Works? Interventions for Maternal and Child Undernutrition and Survival,” The Lancet 371, no. 9610 (2008): 417-40 ; et la Banque Mondiale, Scaling Up Nutrition: What Will It Cost? (Washington, DC: La Banque Mondiale, 2010).
  8. Ogilvy Public Relations Worldwide et l’Académie pour le Développement de l’Education (AED), A Communications Strategy to Mobilize Nutrition Investment (Washington, DC : La Banque Mondiale, 2009).