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La République démocratique du Congo pionnière de l’accès à l’avortement : la voie est tracée pour les défenseurs des droits reproductifs en Afrique francophone

Changement de la politique relative à l’avortement sécurisé en Afrique subsaharienne

Par rapport au reste du monde, les femmes d’Afrique subsaharienne sont les plus exposées au risque d’une grossesse non désirée et, par voie de conséquence, d’un avortement non sécurisé. En 2019, 92 % des femmes africaines en âge de procréer vivaient dans l’un des 43 pays où l’accès à l’avortement était restreint ou pénalisé1. Le statut juridique de l’avortement dans un pays donné influe directement sur les taux nationaux de morbidité et de mortalité maternelles2. Les évidences montrent qu’une législation restrictive en matière d’accès à l’avortement ne diminue pas le nombre d’avortements pratiqués ; mais les rend seulement moins sûrs et plus susceptible d’engendrer des complications évitables, dont des décès maternels3. En revanche, l’accès élargi à l’avortement légal sécurisé (un acte médical courant très peu risqué lorsqu’il est réalisé par un prestataire formé dans des conditions adéquates) correspond à de meilleurs résultats en matière de santé maternelle4. À titre d’exemple, peu après avoir modifié leur législation en vue d’autoriser l’avortement sécurisé dans davantage de cas, l’Éthiopie, le Nigeria et le Tchad ont observé une baisse importante de leurs taux de mortalité maternelle5.

Il existe plusieurs manières de modifier les politiques en vigueur en Afrique subsaharienne afin d’élargir l’accès à l’avortement légal. Certains pays ont modifié les lois nationales existantes ou en ont voté de nouvelles afin d’ouvrir l’accès à l’avortement, notamment en réformant les codes pénaux datant de l’ère coloniale. A ce jour, dix pays d’Afrique subsaharienne ont voté des lois sur la santé reproductive posant les bases des soins d’avortement. Par exemple, la Gambie a élargi le droit à l’avortement voté en 2010 dans le cadre de la loi Women’s Act6. D’autres pays, à l’instar du Kenya et de la Somalie, ont choisi de réformer leur constitution. D’autres pays encore, comme le Ghana, ont élargi leurs orientations relatives à l’interprétation des lois existantes7. Toutefois, l’un des moyens les plus puissants et importants pour élargir l’accès légal à l’avortement en Afrique est à travers l’adhésion au traité de 2003 de l’Union Africaine, à savoir le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, connu sous le nom de Protocole de Maputo8. Les changements juridiques apportés dans le cadre de ce dernier inscrivent le traité international dans la constitution du pays concerné tout en introduisant un vaste éventail de modifications légales positives visant à autonomiser les femmes.

De par son article 14, le Protocole de Maputo est le seul instrument juridique traitant du droit des femmes et des jeunes filles en Afrique à avoir accès à l’avortement sécurisé. L’article 14 garantit « les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus »9. Bien que la plupart des pays d’Afrique subsaharienne aient ratifié le Protocole de Maputo, seuls sept d’entre eux* ont entamé une réforme juridique pour harmoniser leurs lois et y intégrer les dispositions du Protocole relatives à l’accès à l’avortement sécurisé10.

Le changement historique de politique de la République démocratique du Congo

En 2018, la République démocratique du Congo a publié le Protocole du Maputo dans son Journal officiel, faisant ainsi prévaloir le traité sur les lois nationales11. Cette action s’est inscrite dans la lignée d’autres étapes, comme la publication d’une circulaire garantissant l’accès aux soins liés à l’avortement, conformément aux indications du Protocole, et l’adhésion du ministère de la Santé publique en 2020 aux normes et directives évolutives relatives à l’application des lignes directrices du Protocole. Ainsi, la RDC est devenue le premier pays d’Afrique francophone à avoir appliqué de profonds changements favorisant l’accès élargi aux soins liés à l’avortement. Étant donné que la RDC compte la population la plus vaste d’Afrique centrale avec ses 92,5 millions de citoyen·ne·s et la troisième plus grande d’Afrique subsaharienne, ces réformes juridiques ont d’énormes implications pour une large part de la sous-région12.

Le projet SAFE ENGAGE est une initiative sur quatre ans qui milite en faveur de l’accès à l’avortement sécurisé en Afrique en fournissant aux décideurs les données les plus récentes sur l’avortement, en renforçant les capacités des défenseurs de la société civile et en améliorant les reportages médiatiques fondés sur les données factuelles qui traitent de sujets liés à l’avortement. Dans le cadre de ce projet, PRB et l’African Population and Health Research Center (APHRC) ont collaboré pour développer un ensemble de ressources visant à documenter le processus de transposition du Protocole de Maputo en RDC. Ces ressources comprennent une étude de cas et le présent commentaire, accompagnés de fiches de travail dédiées aux défenseurs et aux chercheurs issues du guide de communication politique du projet SAFE ENGAGE. Ensemble, elles documentent le processus de changement de politique de la RDC afin d’identifier les principaux facteurs de cette réussite, mais aussi d’analyser les enseignements tirés et les meilleures pratiques applicables à d’autres contextes sur le continent africain.

Grâce aux actions de plaidoyer menées depuis plus de dix ans, les acteurs locaux en RDC ont réussi à impulser un changement fondamental de politique qui a amélioré les droits des femmes et des jeunes filles ainsi que leur accès aux soins de santé, et ce malgré des obstacles considérables et l’opposition des chefs religieux et d’autres gardiens de la culture. Le déroulement de ce plaidoyer peut servir d’exemple à d’autres acteurs de la région qui doivent relever des défis similaires et souhaitent atteindre le même objectif. En outre, le processus politique de la RDC est récent (et pas encore documenté en détail) : il peut aider à développer les connaissances sur le changement de politique. Il s’agit d’un précieux exemple étant donné qu’il existe peu d’études de cas documentées traitant du processus de changement de politique en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs en Afrique centrale ou en Afrique francophone.

Afrique francophone : défis et opportunités pour l’accès à l’avortement

En règle générale, les lois sur l’avortement des pays d’Afrique centrale et de l’Ouest francophone sont plus restrictives que celles d’autres nations du continent13. En Afrique francophone, la plupart des pays ont adopté des lois hautement ou moyennement restrictives. La RDC et le Tchad autorisent l’avortement en cas de viol, d’inceste et de malformation fœtale, mais aussi pour sauver la vie d’une femme et protéger sa santé, avec mention explicite de la santé mentale14. En octobre 2021, le Bénin est devenu le tout dernier pays d’Afrique francophone à élargir l’accès aux soins liés à l’avortement en modifiant sa loi sur la santé reproductive votée en 2003. Cette modification vise à autoriser l’avortement dans les cas où la poursuite de la grossesse entraînerait pour la femme des difficultés matérielles, morales, professionnelles ou en matière d’éducation, et vient s’ajouter aux autorisations existantes en cas de viol, d’inceste et de danger pour la santé de la femme ou du fœtus15. À ce jour, aucun pays d’Afrique francophone n’autorise l’avortement sans aucune restriction. Cependant, l’ensemble des pays de la région, à l’exception du Niger, du Tchad et de la République centrafricaine, ont ratifié le Protocole de Maputo16. Dans ce contexte, les mesures prises par la RDC pour intégrer le Protocole de Maputo à son cadre juridique et l’interprétation étendue de la loi décrite dans les Normes et directives des soins complets d’avortement centrés sur la femme en RDC de 2020 représentent un formidable exemple pour l’Afrique francophone du recours au changement de politique pour garantir la santé et le bien-être des femmes17.

Les défenseurs qui militent en faveur de l’accès légalisé à l’avortement en Afrique centrale et de l’Ouest francophone font face à des obstacles supplémentaires par rapport aux autres pays du continent. Le manque criant de données sur l’incidence de l’avortement et ses conséquences dans les régions francophones contribue à l’absence générale d’utilisation des données factuelles dans l’élaboration des politiques. Par rapport à d’autres territoires, la région a reçu moins de fonds de donateurs étrangers pour aider la société civile, promouvoir les politiques fondées sur les données, mais aussi militer en faveur de normes internationales pour l’égalité des sexes, la santé reproductive et les droits humains18. En partie à cause de ces facteurs, l’Afrique centrale et de l’Ouest francophone présente les taux de mortalité maternelle parmi les plus élevés au monde, les taux de prévalence contraceptive parmi les plus faibles et les taux de fécondité les plus importants19.

Toutefois, quelques premiers signes encourageants d’une mobilisation et d’un investissement croissants en faveur de l’accès des femmes à la santé et aux droits sexuels et reproductifs en Afrique francophone ont été enregistrés, tant à l’échelle régionale que nationale. Au niveau régional, les principaux acteurs s’attachent à renforcer les réseaux et à mettre en place un cadre solide et durable pour instaurer un environnement favorable aux soins liés à l’avortement sécurisé. Pour mener à bien cette mission, ils s’inspirent des réussites engrangées par le modèle du Partenariat de Ouagadougou dans le domaine de la planification familiale. Au cours des cinq dernières années, les principaux partenaires internationaux sont devenus de plus en plus actifs suite à une analyse stratégique de l’avortement sécurisé en Afrique de l’Ouest francophone20. En décembre 2019, un dialogue autour de l’avortement sécurisé a été organisé à l’échelle régionale à Cotonou, au Bénin. Cet événement a rassemblé d’importants bailleurs de fonds, des organisations internationales, mais aussi des membres de réseaux régionaux et nationaux afin de définir un programme régional pour l’élargissement des soins liés à l’avortement en Afrique francophone. En 2021, la dynamique impulsée par le dialogue autour de l’avortement sécurisé et le travail des partenaires impliqués ont permis de créer le Centre ODAS (Organisation pour le Dialogue pour l’Avortement Sécurisé). Basé au siège régional d’Ipas pour l’Afrique francophone à Abidjan, en Côte d’Ivoire, ce Centre a pour but de stimuler un mouvement croissant en Afrique francophone en augmentant le nombre de pays d’Afrique de l’Ouest impliqués dans le Partenariat de Ouagadougou grâce à l’intégration de la RDC, du Cameroun et de Madagascar21. D’importants bailleurs de fonds, gouvernementaux et philanthropes, s’engagent massivement en faveur de la santé sexuelle et reproductive en reconnaissance des besoins uniques de l’Afrique francophone.

À l’échelle nationale, plusieurs pays ont entamé une révision de leurs recommandations et cadres juridiques relatifs aux soins liés à l’avortement. Dans certains pays où l’accès à l’avortement sécurisé fait l’objet de restrictions, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso notamment, des coalitions actives de la société civile s’efforcent d’élargir la mise en œuvre des dispositions du Protocole de Maputo et de sensibiliser davantage le grand public sur cette question. D’autres pays sont allés un cran plus loin en définissant de nouvelles normes pour élargir l’accès aux soins liés à l’avortement. Comme cité auparavant, le parlement du Bénin a voté en faveur d’une nouvelle loi comprenant des dispositions étendues pour l’avortement légal en octobre 202122. Cette nouvelle législation constitue un précédent prometteur qui dépasse les indications du Protocole de Maputo quant à l’élargissement de l’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs pour les femmes sur tout le continent.

Les enseignements tirés du processus de changement de politique de la RDC

Le changement de politique pour garantir l’accès à l’avortement sécurisé en RDC ne s’est pas fait du jour au lendemain. Pendant plus de dix ans, les acteurs politiques ont essuyé bien des revers dans leurs efforts visant à légaliser l’accès à l’avortement. Ils ont réussi à établir des lignes directrices garantissant que les femmes bénéficient d’un accès sécurisé aux services liés à l’avortement. Suite à des décennies de conflit, la RDC souhaitait renouveler son engagement auprès de la communauté internationale. Dans cette optique, elle s’est efforcée de démontrer son adhésion aux normes internationales et d’atteindre ses objectifs de développement. Nombre des défis barrant la route de la RDC peuvent être courants dans d’autres endroits de la région. La manière dont ils ont été relevés dans ce pays permet de tirer d’importants enseignements.

1. Plus forts ensemble : la cohésion de la communauté politique

Un élément essentiel de la réussite du processus de changement de politique en RDC est la consolidation de la communauté politique au sein de plusieurs coalitions régionales et nationales influentes, en particulier la Coalition de lutte contre les grossesses non désirées (CGND) basée à Kinshasa et la Coalition Article 14 dans l’Est de la RDC. Fondée en 2016 avec le soutien de plusieurs organisations internationales, la CGND a permis de rassembler les principaux acteurs de la société civile qui travaillaient auparavant chacun de leur côté en utilisant des approches différentes pour promouvoir l’accès à l’avortement sécurisé ou pour traiter des sujets connexes à la santé et aux droits sexuels et reproductifs. En organisant le mouvement de la société civile et en renforçant leur programme partagé, mais aussi grâce aux investissements financiers et à l’aide technique provenant d’organisations impliquées à l’échelle régionale ou internationale, la création de la CGND et de la Coalition Article 14 a représenté un jalon important dans le processus de changement de politique en RDC. Ces coalitions se sont efforcées d’identifier un objectif politique partagé, puis d’élaborer un plan de travail et un message ciblé visant à répondre à l’opposition et à sensibiliser le public visé.

2. Clarification de la problématique : des indicateurs crédibles et des analyses juridiques

La CGND et ses partenaires internationaux ont amélioré et renforcé leurs messages destinés aux décideurs politiques à la lumière des études et des analyses consacrées au contexte des soins d’avortement et au paysage juridique de la RDC, qui ont soulevé le problème des soins liés à l’avortement sécurisé. Alors que les Enquêtes démographiques et de santé menées en 2009 et en 2014 ont révélé le taux élevé de mortalité maternelle en RDC, la contribution de l’avortement non sécurisé à cette situation et sa prévalence dans le pays restaient floues. Grâce à plusieurs études, y compris celles menées en 2017 par le Guttmacher Institute, l’université de Kinshasa et le ministère de la Santé publique avec le soutien d’Ipas, les défenseurs et les parties prenantes gouvernementales ont obtenu une vue d’ensemble de l’étendue de l’avortement en RDC (y compris au sein du système de santé publique, où il a été prouvé que près d’un quart des établissements de santé le pratiquaient déjà) ainsi que de la part des décès maternels due aux soins non sécurisés et non réglementés liés à l’avortement23.

Outre les études scientifiques, les analyses juridiques commandées par Pathfinder International et Ipas ont aidé les défenseurs de l’avortement à comprendre les mécanismes dont ils disposaient pour promouvoir le changement sur le plan légal en faveur de l’avortement sécurisé en RDC. Plusieurs analyses réalisées par des juristes ont identifié la publication du Protocole de Maputo dans le Journal officiel comme le moyen le plus sûr de garantir son entrée en vigueur. En effet, cette initiative ne requérait la mobilisation que d’une poignée de fonctionnaires chargés de la publication, alors qu’une modification de la loi nationale aurait requis l’approbation des 251 parlementaires élus. Cet abandon stratégique de l’harmonisation des législations nationales (y compris le Code pénal, la loi sur la santé reproductive et le code de déontologie médicale) a constitué un tournant dans le processus de changement de politique en RDC. D’autres pays à la constitution moniste, reconnaissant la primauté des traités internationaux sur la législation nationale, peuvent envisager d’en faire de même au lieu de s’engager sur la voie plus fastidieuse de la réforme individuelle de chaque loi existante.

3. Garantie de la durabilité : adhésion du gouvernement et visibilité

En RDC, la CGND, la Coalition Article 14 et les partenaires internationaux ont intentionnellement identifié et formé des experts parmi les décideurs dont l’aide était nécessaire à la garantie de l’accès à l’avortement sécurisé dans ce pays, à savoir la Cour constitutionnelle, le ministère de la Santé publique, mais aussi le ministère du Genre, de la Famille et de l’Enfant. En se fondant sur la méthodologie de clarification de valeurs et transformation des attitudes pour explorer les attitudes relatifs à l’avortement, les membres des coalitions ont mobilisé le soutien solide des principales parties prenantes, qui ont su garantir la dynamique ayant mené à la publication du Protocole de Maputo au Journal officiel, puis à celle des normes et directives relatives aux soins d’avortement sécurisé. Cet engagement a donné naissance à une coalition pluridisciplinaire au sein du gouvernement et a nourri la volonté politique, renforcée par des événements de grande ampleur, comme les célébrations organisées chaque 28 septembre à l’occasion de la Journée mondiale pour le droit à l’avortement. En formant des experts dans plusieurs branches du gouvernement, les défenseurs de l’avortement sécurisé ont également garanti que le mouvement en faveur de l’accès à l’avortement serait autosuffisant et pourrait développer ses propres politiques. Par exemple, la Cour constitutionnelle a publié des recommandations destinées au ministère de la Santé publique afin de l’aider à remplir son devoir constitutionnel en développant des normes et des directives relatives aux soins d’avortement sécurisé.

4. Le changement juridique n’est pas une fin en soi : faire de l’accès à l’avortement une réalité

L’un des principaux enseignements tirés de l’exemple de la RDC révèle que le changement juridique en lui-même n’améliore pas l’accès à l’avortement pour les femmes et les jeunes filles. Nombre d’obstacles supplémentaires doivent être éliminés à l’aide d’approches centrées sur les femmes au sein du système de soins de santé, du système juridique et des communautés afin de garantir des soins équitables, acceptables et de qualité. Il est essentiel de capitaliser sur la dynamique et la volonté politique générées par le processus de changement de politique afin de développer les cadres et les orientations nécessaires à la garantie de soins durables d’avortement, puis de les intégrer à l’infrastructure de santé existante. En RDC, même si les défenseurs n’ont pas eu la tâche facile pendant dix ans après la ratification du Protocole de Maputo, ils ont été capables de tirer profit de la visibilité accrue de cette thématique afin de publier des normes et directives relatives à des soins complets d’avortement dans les deux ans qui ont suivi la publication du Protocole au Journal officiel.

Les Normes et directives des soins complets d’avortement centrés sur la femme en RDC, validées par le comité d’éthique du ministère de la Santé publique en décembre 2020, constituent une étape importante dans l’élargissement de l’accès aux soins au sein des pays d’Afrique ayant légalisé l’accès à l’avortement. Les normes et directives de la RDC codifient une interprétation étendue et évolutive du Protocole de Maputo, contournant nombre d’obstacles procéduraux aux soins qui existent dans les directives d’autres pays, y compris dans les territoires où l’avortement est largement légal, comme en Zambie. Les femmes ayant besoin de soins d’avortement en RDC n’ont pas besoin de fournir une preuve de viol, d’inceste, ni de consentement marital. Les mineures ayant besoin de soins liés à l’avortement sont automatiquement admissibles même si elles n’ont pas encore atteint l’âge légal. Elles doivent simplement être accompagnées d’un adulte, qui peut être la personne de confiance de leur choix. Les directives relatives aux femmes ayant besoin de soins d’avortement pour protéger leur santé, y compris leur santé mentale, se conforment à la définition de l’Organisation mondiale de la Santé. Cette dernière désigne la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Les décisions se fondent sur la détermination par les prestataires de soins d’avortement des éventuels effets négatifs d’une grossesse non désirée sur le bien-être actuel ou futur des femmes24. Les normes et les directives adoptées en RDC représentent un modèle important pour d’autres pays de l’Afrique centrale et de l’Ouest francophone quant à l’interprétation du Protocole de Maputo dans sa plus grande étendue et au développement de normes claires relatives à la pratique des soins d’avortement.

Conclusion

Les défenseurs et les chercheurs d’Afrique centrale et de l’Ouest francophone peuvent bénéficier du précédent établi par la RDC dans l’élargissement à grande échelle de l’accès aux soins d’avortement pour sa population. La documentation et l’analyse de ce processus nous permettent d’étudier les éléments qui ont créé une fenêtre d’opportunité favorisant la dynamique politique autour de l’accès à l’avortement en RDC. Outre les différents outils de communication politique et de traduction des données factuelles développés dans le cadre du projet SAFE ENGAGE, l’étude de cas, les fiches de travail et le commentaire peuvent servir de ressources aux défenseurs politiques en Afrique francophone et ailleurs qui souhaitent obtenir des avancées similaires au sein de leur cadre juridique. Fait important, le cas de la RDC montre comment une coalition motivée, coordonnée et éclairée d’acteurs locaux a été en mesure d’impulser un changement radical de politique dans l’un des plus grands pays d’Afrique, ce qui a ouvert la voie à des avancées similaires dans la région francophone et sur tout le continent africain.

* L’eSwatini, l’Érythrée, Maurice, le Mozambique, la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Tchad. Deux pays, Sao Tomé-et-Principe et le Bénin (en date d’octobre 2021), ont dépassé les indications du Protocole de Maputo.

 

 

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Photo de Ipas RDC.

 

 

References

1 Akinrinola Bankole et al., De l’avortement non sécurisé à sécurisé en Afrique subsaharienne: des progrès lents mais constants, Guttmacher Institute (2020), https://www.guttmacher.org/fr/report/from-unsafe-to-safe-abortion-in-subsaharan-africa.

2 Population Reference Bureau (PRB), Laws Change Lives, 2021, https://www.prb.org/resources/laws-change-lives-what-is-the-connection-between-abortion-laws-and-maternal-health/.

3 PRB, Abortion Facts and Figures, 2021, https://www.prb.org/wp-content/uploads/2021/03/2021-safe-engage-abortion-facts-and-figures-media-guide.pdf.

4 Organisation mondiale de la Santé (OMS), Utilisation des médicaments dans le cadre d’un d’avortement, 2018, https://www.who.int/reproductivehealth/publications/medical-management-abortion/fr/

5 PRB, Laws Change Lives.

6 Bankole et al., De l’avortement non sécurisé à sécurisé en Afrique subsaharienne, République du Bénin, loi no 2021 (2021).

7 Bankole et al., De l’avortement non sécurisé à sécurisé en Afrique subsaharienne.

8 Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, Maputo, Mozambique, 2003, https://au.int/fr/treaties/protocole-la-charte-africaine-des-droits-de-lhomme-et-des-peuples-relatif-aux-droits-des-femmes-en-afrique

9 Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique.

10 Bankole et al., De l’avortement non sécurisé à sécurisé en Afrique subsaharienne.

11 Journal officiel de la RDC, Cabinet du Président de la République, numéro spécial, 14 mars 2018, https://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/SERIAL/84846/94671/F861828376/ratification%20protocole%20droits%20de%20la%20femme.pdf.

12 PRB, 2021 World Population Data Sheet: Middle Africa, 2021, https://interactives.prb.org/2021-wpds/africa/#middle-africa.

13 Bankole et al., 2020; Center for Reproductive Rights, The World’s Abortion Laws, consulté le 18 octobre 2021 à l’adresse https://maps.reproductiverights.org/worldabortionlaws.

14 Bankole et al., De l’avortement non sécurisé à sécurisé en Afrique subsaharienne.

15 République du Bénin, Assemblée nationale, loi no 2021 modifiant et complétant la loi no 2003-04 du 3 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction (2021).

16 Union Africaine, High Level Consultation on the Ratification of the Maputo Protocol, 29 janvier 2018, https://au.int/en/newsevents/20180129/high-level-consultation-ratification-maputo-protocol

17 République démocratique du Congo, ministère de la Santé publique, secrétariat général, Normes et Directives des Soins Complets d’Avortement Centrés sur la Femme en RDC (2020).

18 Ipas, Conclusions de l’analyse situationnelle : besoins et opportunités pour une prise en charge des soins complets d’avortement en Afrique de l’Ouest francophone, 2016, https://www.ipas.org/resource/conclusions-de-lanalyse-situationnelle-besoins-et-opportunites-pour-une-prise-en-charge-des-soins-complets-davortement-en-afrique-de-louest-francophone/.

19 PRB, 2021 World Population Data Sheet.

20 Ipas, Conclusions de l’analyse situationnelle.

21 Ipas, Lancement d’un nouveau réseau régional pour l’avortement sécurisé en Afrique francophone, 22 septembre 2021, https://www.ipas.org/news/lancement-dun-nouveau-reseau-regional-pour-lavortement-securise-en-afrique-francophone/

22 République du Bénin, loi no 2021.

23 Sophia Chae et al., The Incidence of Induced Abortion in Kinshasa, Democratic Republic of Congo, 2016, PloS ONE 12, no 12 (2017), https://www.guttmacher.org/article/2017/10/incidence-induced-abortion-kinshasa-democratic-republic-congo-2016 ; Timothée Lunganga et al., État des lieux de la contraception et de l’avortement en République Démocratique du Congo, ministère de la Santé publique, 2017, document non publié.

24 OMS, Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé (1946), https://www.who.int/fr/about/governance/constitution ; République démocratique du Congo, ministère de la Santé publique, secrétariat général, Normes et Directives des Soins Complets d’Avortement Centrés sur la Femme en RDC.