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Modernisation de la législation sur la santé reproductive en Afrique de l'Ouest

(Avril 2008) Depuis plus de dix ans, les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest œuvrent à la modernisation de leurs lois sur la santé reproductive. La loi française contre la contraception, adoptée en 1920 et toujours en vigueur après l’indépendance des anciennes colonies françaises en Afrique, interdisait la promotion et l’utilisation des méthodes de planification familiale ainsi que la distribution d’informations à leur sujet. Mais étant donné les avantages de la planification familiale pour la santé et l’économie, un réseau de parlementaires en Afrique de l’Ouest a commencé dès les années 1990 à élaborer une loi modèle susceptible d’être adaptée et adoptée dans toute la région.

L’initiative de réforme dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone a été lancée à la suite de la Conférence internationale sur la Population et le Développement en 1994. Le Programme d’action de la conférence est à l’origine de la loi modèle sur la santé reproductive, rédigée par le Forum des Parlementaires africains et arabes sur la Population et le Développement (FAAPPD).1

À ce jour, 10 pays — le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Togo et le Tchad — ont procédé à des réformes d’anciennes lois coloniales. L’une des réformes juridiques les plus récentes s’est produite au Togo, où la nouvelle loi sur la santé reproductive a été adoptée en 2006.

Récentes réformes au Togo

La loi française s’est révélée un fardeau excessif pour les femmes enceintes au Togo, donnant lieu à des avortements à risque, des taux de fécondité élevés et une forte incidence d’invalidités liées à la grossesse. En 2005, l’indice synthétique de fécondité du Togo était de 5,6 enfants par femme. À peine 9,3 % des femmes en âge d’avoir des enfants avaient recours à des méthodes de planification familiale — l’un des taux les plus faibles de toute la région. Par ailleurs, 49 % seulement des accouchements s’étaient déroulés en présence de personnel médical qualifié, une preuve de plus de l’insuffisance de l’accès aux services de santé reproductive.2 Avec l’assistance de la loi modèle régionale — qui met l’accent sur la contraception et les soins obstétriques — les parties prenantes et les Parlementaires togolais ont commencé à renforcer la sensibilisation et le niveau d’engagement politique envers le processus de réforme. Ils rédigent en ce moment même les textes réglementaires contenant les directives et les protocoles.

Ce processus s’est révélé délicat, surtout au vu des rôles sociaux clairement définis qui limitent leur pouvoir décisionnel en matière de planification familiale. Pour réformer la loi, des juristes, des législateurs des ONG locales et des chefs traditionnels et religieux ont décidé de travailler ensemble pour adapter la loi modèle sur la santé reproductive rédigée par le FAAPPD à l’environnement sanitaire et social du Togo. Cette collaboration a assuré une réception favorable à la nouvelle loi parmi les parties prenantes et les dirigeants sociaux au Togo. L’un des principaux instruments de promotion utilisé pour mobiliser le soutien de la population est le modèle informatique REDUCE-ALIVE.

REDUCE-ALIVE est un modèle de simulation informatique capable de calculer l’effet dévastateur de l’insuffisance des services de santé reproductive. Ce modèle fait appel aux statistiques nationales et mondiales pour estimer les pertes économiques subies par un pays en raison de la mortalité maternelle et de l’absence de méthodes contraceptives.3 Dans le cadre de sa stratégie, REDUCE-ALIVE estime les économies que peut prévoir un pays qui met en place une loi progressive sur la santé reproductive prévoyant un accès universel aux soins de santé maternelle néonatale.

L’adoption de cette nouvelle loi sur la santé reproductive a été, certes, un pas de géant pour le gouvernement et le système de santé togolais, mais la mise en application des politiques doit maintenant se faire. Tout comme dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest qui se sont engagés sur la voie d’une réforme juridique similaire, l’approbation d’une loi sur la santé reproductive apporte les fondements juridiques requis pour l’acquisition et la distribution des préservatifs, la fourniture de soins obstétriques d’urgence à coût réduit et la dissémination d’informations sur la planification familiale et la santé reproductive. Même si la teneur de ces lois est similaire dans l’ensemble de la région, les modalités de leur mise en application — en améliorant des programmes existants ou en en créant de nouveaux — varient d’un pays à l’autre. Au Togo, l’implication des parties prenantes dans le processus de rédaction de la nouvelle loi a donné le ton à l’approche d’équipe devant présider à sa mise en application. Grâce à cette base de soutien, le Togo devrait enregistrer d’importantes améliorations en matière de santé maternelle et néonatale dans un proche avenir.

Avec la mise en place de cette nouvelle loi, le Togo est en bonne position pour réduire son taux de fécondité élevé et son taux de croissance démographique (2,6 % par an). À compter de 2008, le Fonds des Nations Unies pour la Population appuiera la mise en application de la nouvelle loi togolaise avec une subvention quinquennale de 10 millions de dollars.4 Ces financements seront affectés aux sujets identifiés par le modèle REDUCE-ALIVE : l’obstruction du travail, les grossesses sans soins, les avortements à risque, les hémorragies, la distribution des préservatifs, la connaissance de la planification familiale et les soins obstétriques d’urgence.


Stephen Russell est stagiaire au Population Reference Bureau.


Références

  1. Forum des Parlementaires africains et arabes sur la Population et le Développement (FAAPPD), « Framework of Model Law on Sexual and Reproductive Health, » adopté à Abidjan, en Côte d’Ivoire, le 9 juin 1999.
  2. Fonds des Nations Unies sur la Population (UNFPA) et Population Reference Bureau (PRB), « Profils de la population et de la santé reproductive par pays : développements politiques et indicateurs » (Washington DC : Population Reference Bureau, 2005).
  3. Doyin Oluwole, « Application of ReduceAlive Advocacy Model and Implementation of the Road Map in Africa, » consulté en ligne le 5 février 2008 sur www.icddrb.org.
  4. Programme des Nations Unies pour le Développement et Fonds des Nations Unies pour la Population, « Programme pays pour le Togo, » consulté en ligne le 20 février 2008 sur www.unfpa.org.