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La planification familiale améliore la vie et la santé des pauvres en zone urbaine et économise de l’argent

Cette année, la Journée Mondiale de la Santé (7 avril) se concentre sur l’importance de la santé urbaine. L’urbanisation advient si rapidement dans certaines régions du monde que les villes ne sont pas à même de répondre aux demandes accrues de services liés à l’environnement, la santé et l’éducation, sans oublier les besoins en matière d’emploi, de logement et de transport d’une population qui pourrait doubler en moins de 25 ans. Trois-quarts des résidents urbains du monde en voie de développement habitent dans des bidonvilles ou dans des conditions similaires à celles d’un bidonville, souvent sans accès ni à l’eau potable ni à l’assainissement. A cause de ces conditions insalubres, une croissance démographique rapide dans les zones urbaines est spécifiquement liée à des problèmes de santé accrus. Le taux de maladie est bien plus élevé dans les bidonvilles urbains que dans les zones non-bidonvilles de ces mêmes villes et les problèmes sociaux et sanitaires liés à l’environnement, la violence, les blessures et les maladies non contagieuses sont plus fréquents.1

La planification familiale est l’une des interventions les moins chères, les plus rentables et qui a l’impact le plus durable sur la santé. Pourtant, elle est souvent ignorée en tant que stratégie essentielle pour améliorer la santé en zone urbaine. Bien que les services de planification familiale soient moins disponibles en zone rurale et dans les régions les plus isolées des pays les moins développés, les pauvres qui vivent en zone urbaine ont plus de difficultés à avoir accès aux services de planification familiale que les résidents plus riches, et ce pour diverses raisons liées au contexte social, culturel et financier. Etant donné que la moitié des résidents du monde vivent maintenant en zone urbaine, un meilleur accès des pauvres aux services de planification familiale dans les zones urbaines devrait être une forte priorité, surtout si l’on considère que la majorité des résidents urbains dans de nombreux pays vivent avec moins de 2 dollars américains par jour.

Croissance rapide des naissances non planifiées

La majorité de l’accroissement démographique en zone urbaine (60 pour cent) est due non pas à l’exode rural mais au fait que le nombre de naissances parmi les résidents urbains dépasse celui des décès. Comme la mortalité néonatale et infantile a diminué, ce taux d’ « accroissement naturel » est devenu particulièrement élevé dans les zones urbaines d’Afrique sub-saharienne, dont certains croissent de 4 pour cent par an. Cette croissance phénoménale présente des difficultés pour les gouvernements et l’environnement. De plus, les familles urbaines sont confrontées aux coûts accrus et à la plus grande complexité de la vie en ville et souhaitent avoir moins d’enfants que les résidents des zones rurales. De nombreuses femmes en milieu urbain indiquent qu’elles ont plus d’enfants qu’elles n’en souhaitaient. Alors que des femmes plus aisées en milieu urbain ont accès à la contraception, les femmes pauvres ont moins d’accès physique et financier aux services de santé reproductive de haute qualité et à une gamme abordable de contraceptifs répondant à leurs besoins. Comme la croissance des zones urbaines continue sans ralentissement, l’impact de la réduction des naissances non désirées ou non planifiées grâce à un accès équitable à la contraception ne devrait pas être sous-estimé. C’est l’un des investissements les plus logiques et les rentables que les responsables de la planification puissent faire.

Le nombre de femmes en âge de procréer augmente rapidement

A cause d’une forte fécondité passée, l’urbanisation rapide va probablement continuer. En Afrique sub-saharienne, par exemple, le nombre de femmes en âge de procréer va augmenter de 35 pour cent dans les 10 prochaines années. A moins que les femmes ne soient capables de limiter la taille de leur famille au nombre d’enfants qu’elles souhaitent, le nombre de naissances durant la même période augmentera de 33 pour cent. Ceci entraînera une croissance démographique encore plus rapide dans les zones urbaines et augmentera les défis pour répondre entre autres aux besoins de services de santé.

Les femmes pauvres qui désirent retarder leur grossesse ou cesser d’avoir des enfants mais n’utilisent pas de méthode moderne de contraception ont un « besoin non satisfait » de planification familiale particulièrement élevé. Au Sénégal et en Ethiopie, par exemple, une femme âgée de 15 à 49 ans sur trois vivants en zone urbaine a un besoin non satisfait de contraception. Le Nigeria a l’un des taux de besoins non satisfaits les plus faibles en Afrique sub-saharienne, 13 pour cent parmi les femmes urbaines et 17 pour cent parmi les femmes les plus pauvres. Toutefois, comme le Nigeria est de loin le plus grand pays d’Afrique, le nombre de femmes ayant un besoin non satisfait — 4 millions — est important et augmente au fur et à mesure que la demande de services de planification familiale croît.  Les millions de femmes ayant un besoin non satisfait de contraception contribuent directement à une rapide croissance démographique ainsi qu’aux forts taux de mortalité maternelle et infantile.

La planification familiale empêche des avortements et des morts maternelles

Les femmes en Afrique sub-saharienne ont une chance sur 22 durant leur vie de mourir de causes liées à la grossesse et l’accouchement. Alors que depuis 1990, la mortalité maternelle a baissé de 26 pour cent en Amérique Latine et de 20 pour cent en Asie, elle n’a baissé que de 2 pour cent en Afrique sub-saharienne.2 Les femmes qui accouchent avant l’âge de 18 ans ou après 35 ans, ou bien qui ont des grossesses rapprochées courent un plus grand risque de mortalité. Dans de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne, la pratique du mariage et des grossesses précoces est fréquente. Ainsi, au Mali, au Malawi, au Mozambique et au Niger, 50 pour cent des femmes ont eu un enfant avant l’âge de  18 ans.3 Les femmes qui ont un enfant avant l’âge de 20 ans ont deux fois plus de chances de mourir de complications liées à la grossesse que des mères plus âgées. La planification familiale peut éviter ces décès en permettant aux femmes jeunes et sexuellement actives de retarder leur première grossesse jusqu’à ce qu’elles soient plus âgées et plus mures physiquement et émotionnellement. Toutefois, l’utilisation de contraceptifs parmi les jeunes femmes sexuellement actives, mariées ou non, est très faible dans la plupart des pays de l’Afrique sub-saharienne. Au Nigeria, seules 3 pour cent des femmes mariées et 37 pour cent des femmes célibataires âgées de 15 à 19 ans utilisent une méthode moderne de contraception.4

Dans certains pays d’Afrique sub-saharienne, y compris le Nigeria et le Kenya, entre 25 et 41 pour cent des grossesses non désirées sont avortées, et en Afrique sub-saharienne dans son ensemble, 99 pour cent des quasi 5 millions d’avortements qui ont lieu chaque année sont pratiqués par des personnes qui manquent des qualifications médicales requises, dans des conditions peu sures, ou les deux. L’Afrique sub-saharienne a la plus forte proportion au monde d’avortements parmi les femmes âgées de 15 à 19 ans (environ un sur quatre). En conséquence, l’avortement est l’une des principales causes de mortalité parmi les jeunes femmes africaines. En Afrique de l’Est, y compris au Kenya, les avortements à risque représentent 17 pour cent des morts maternelles. S’assurer que les jeunes ont accès aux informations et aux services de planification familiale dont ils ont besoin pourrait réduire notablement le nombre de morts imputables aux avortements ainsi  que celles résultant d’autres causes maternelles. A l’échelle mondiale, répondre aux besoins non satisfaits de contraception pourrait, selon les estimations, empêcher 50 000 morts dues aux avortements et 90 000 morts dues aux autres causes maternelles chaque année. Cinquante-cinq pour cent de ces vies épargnées seraient celles de femmes en Afrique sub-saharienne.5

La planification familiale évite des morts de nourrissons et d’enfants

L’espacement des naissances à au moins deux ans d’intervalle est l’une des stratégies les plus importantes et les plus efficaces pour réduire le nombre d’accouchements à problèmes et assurer la survie des enfants. Les nourrissons nés moins de deux ans après l’accouchement d’un autre enfant encourent deux fois plus de risques de décès durant leur première année de vie que les nourrissons nés trois ans après l’accouchement d’un autre enfant. Les nourrissons et les enfants nés de mères qui ont moins de 20 ans encourent aussi un plus fort risque de décès durant les premiers jours, mois ou années de leur vie. Au Sénégal, par exemple, un nourrisson sur 10 né d’une mère âgée de moins de 20 ans meurt avant l’âge d’un an, comparé à un sur 17 pour les femmes âgées de 20 à 29 ans qui ont un enfant. L’utilisation de la planification familiale peut éviter ces morts en permettant aux jeunes femmes d’éviter les grossesses qui sont trop précoces, ne sont pas désirées et sont trop rapprochées. Au Sénégal, la planification familiale pourrait éviter 1,3 million de grossesses non désirées, 400 000 avortements et 200 000 décès d’enfants de moins de 5 ans durant une période 10 ans. Répondre aux besoins non satisfaits en contraception réduit aussi notablement le coût des services de vaccination universelle et d’autres interventions de santé pour les enfants, et facilite la capacité des gouvernements à améliorer la santé de toute la société.6

La planification familiale est une stratégie fondamentale mais sous-utilisée de prévention du VIH

On n’a pas accordé assez d’attention à l’importance de la planification familiale pour réduire la transmission du VIH de mère à enfant. Chaque année, plus de 577 2000 grossesses non désirées parmi les femmes séropositives en Afrique sub-saharienne sont évitées grâce à l’utilisation de la contraception, qui empêche déjà plus d’infections VIH parmi les enfants que la thérapie antirétrovirale (TAR).7 Bien qu’il soit essentiel que toutes les femmes ayant besoin de TRA y aient accès, plus d’un ½ million de grossesses supplémentaires non désirées parmi les mères séropositives pourraient être évitées chaque année si toutes les femmes de la région qui ne souhaitent pas tomber enceintes avaient accès à la contraception moderne. En Afrique du sud, plus de 400 000 grossesses non désirées par an pourraient être évitées parmi les femmes séropositives, évitant ainsi plus de 120 00 naissances de nourrissons séropositifs.8

La planification familiale promeut la durabilité environnementale et permet l’expansion des services d’éducation et de santé

En investissant dans la planification familiale, on sauve non seulement des vies mais on permet de réaliser d’importantes économies dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’environnement. En ayant moins d’enfants à éduquer, les gouvernements peuvent fournir des services d’assainissement et d’eau potable à une partie plus importante de leur population. Ceci peut alors présenter des bénéfices en termes de réduction des maladies transmises par l’eau et des décès dus à la diarrhée. Lorsque la croissance économique ralentit, la pression sur les ressources en eau et en terres limitées diminue de même que la dégradation de l’environnement due au déboisement, à la salinisation du sol et la pollution de l’air. Au Kenya, par exemple, si on répondait aux besoins non satisfaits en planification familiale en dépensant 71 millions de dollars, on pourrait selon les estimations réduire les dépenses dans le domaine de l’éducation de $115 millions, de l’immunisation de $37 millions et de l’eau et l’assainissement de $36 millions, des décès maternels de $75 millions et du paludisme de $8 millions. Pour chaque dollar dépensé en planification familiale, le Kenya recouvrirait $3,79 d’économies dans ces secteurs à eux seuls.9

L’équité de l’accès à la planification familiale pour les pauvres est une question de santé et de droits de l’homme

Les gouvernements sont quasiment tous d’accord que chaque enfant a le droit d’être désiré et que les femmes et les couples ont le droit de décider de leur plein gré du nombre d’enfants qu’ils auront. Dans la plupart des sociétés, les femmes pauvres sont celles qui ont le moins de chances d’être à même d’exercer le droit à la contraception, en partie parce qu’elles sont le moins à même de payer les services de planification familiale. Tant que les femmes pauvres n’auront pas la même capacité d’exercer ce droit que les femmes riches, non seulement la taille mais aussi le niveau d’inégalité des zones urbaines continuera à croître. Le pourcentage de personnes vivant sous le seuil de pauvreté continuera à augmenter et les disparités de revenus entre les riches et les pauvres augmenteront.

Les gouvernements et les planificateurs urbains devraient s’assurer que les pauvres reçoivent des fonds publics qui les aident et qui ont pour objectif d’améliorer la qualité des services de santé de la reproduction. Sans cette garantie, les subventions et les incitations à l’usage ont plus de chances d’être utilisées par ceux qui n’en ont pas tant besoin.10 Et les investissements en santé de la reproduction et planification familiale sont parmi les plus rentables qu’un gouvernement puisse faire. Au Kenya et au Nigéria, par exemple, il n’en coûte que $4,27 de dépenses annuelles pour empêcher une grossesse non désirée dans un couple résidant en zone urbaine en lui offrant des services assurés en clinique.11 Un tel investissement vaut la peine d’être fait pour bénéficier aux individus, aux familles et à la société. La Journée Mondiale de la Santé en 2010 est un moment opportun pour accorder à la planification familiale l’attention qu’elle mérite.


Karin Ringheim est principal conseillère en politique de gestion au Population Reference Bureau.


Références

  1. African Population et Health Research Center, Population and Health Dynamics in Nairobi’s Informal Settlements, Report of the Nairobi Cross-Sectional Slums Survey (NCSS) (Nairobi : APHRC, 2002).
  2. Susheela Singh et al., Adding it Up: The Costs and Benefits of Investing in Family Planning and Maternal and Newborn Health (New York : Institut Guttmacher /FNUAP, 2009).
  3. ICF Macro, Demographic and Health Surveys, Mozambique, 2003; Malawi, 2004; and Mali, 2006 (Calverton, MD : ICF Macro).
  4. National Population Commission et ICF Macro, Nigeria Demographic and Health Survey, 2008 (Abuja, Nigeria : NPC et ICF Macro, 2009).
  5. Singh et al., Adding it Up.
  6. Scott Moreland et Sandra Talbird, Achieving the Millennium Development Goals: The Contribution of Fulfilling the Unmet Need for Family Planning (Washington DC : The Futures Group/Policy Project, 2007).
  7. Heidi Reynolds et al., “The Value of Contraception to Prevent Perinatal HIV Transmission,” Sexually Transmitted Diseases 33 no. 6 (2006) : 350-56.
  8. Tiré de Heidi W. Reynolds, M.J. Steiner et Willard Cates Jr., “Contraception’s Proved Potential to Fight HIV,” Sexually Transmitted Infections 81 (2005) : 184.
  9. Constella Futures, POLICY Project, et Health Policy Initiative, 2005-2007. Pour de plus amples informations, veuillez consulter Rhonda Smith et al., Family Planning Saves Lives, 4th ed. (Washington, DC:  Population Reference Bureau, 2009).
  10. Davidson Gwatkin, “Overcoming Global Health Inequalities—Where Next?”, Séminaire de Politiques de Gestion du Population Reference Bureau, 16 décembre 2009.
  11. Moreland et Talbird, Achieving the Millennium Development Goals.